Xerfi Canal présente l'analyse d'Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi
La France est-elle condamnée à être un contre-modèle ? Piètre ou mauvais élève de tous les classements internationaux, larguée au 34ème rang de Doing Business pour son environnement des affaires, loin derrière l'île Maurice, la Géorgie ou le Portugal. En perdition au 14ème rang dans le classement PISA en matière éducative et menacée d'y perdre encore 2 à 4 places cette année, 23ème et en recul des pays les plus compétitifs pour le Boston consulting group ; avec seulement 4 universités dans le top 100 du classement de Shangaï. Raillée pour son inaptitude à la réforme, l'archaïsme de ses options sociales par la presse anglo-saxonne.
La 5ème économie mondiale n'a plus les moyens de sa puissance et subit les blâmes récurrents des organismes internationaux pour ses réformes trop partielles. On peut certes contester la valeur de ces thermomètres, rappeler aussi les thèses de Ph. d'Iribarne, lorsqu'il insiste sur la pérennité des diversités culturelles dans la mondialisation, sur la force du code de l'honneur en France, et son impact positif sur l'efficacité du travail et des organisations. Il n'en reste pas moins que la France incarne le contre-modèle par excellence.
On le sait pourtant, les modes en matière de modèle tournent. Le modèle français pourrait-il alors un jour retrouver quelque faveur ?
Disons-le tout de suite. Cela est peu probable dans des temps rapprochés. La crise a certes douché quelques arrogances. Beaucoup de vertus que l'on attribuait à la dérèglementation anglo-saxonne avaient pour arrière-plan un surendettement qui dopait artificiellement les performances. Même le modèle danois de flexi-sécurité peine à absorber le coût social d'une crise longue et profonde. La crise redonne finalement les faveurs au vieil ordo-libéralisme rhénan. Le modèle français, lui n'a pas démontré la même capacité de résilience. Il n'en est peut-être pas passé loin. Mais trop de réformisme spectacle, une mauvaise gestion du timing budgétaire avant crise, et une prise de conscience tardive de ses problèmes endémiques de compétitivité placent aujourd'hui la France en position de malade chronique de l'Europe.
Son modèle n'est pas pour autant déclassé et la crise confirme aussi que la biodiversité des modèles européens a la vie dure. Que ce soit en termes de flexibilité de l'emploi ou des salaires, d'inégalités, de degré de socialisation, de gouvernance, le capitalisme aime la pluralité. Les permanences dans les modes d'absorption des crises et dans leur mode de gestion sont étonnantes. En dépit d'ajustements continus, les clivages entre le Nord, la méditerranée, l'Europe rhénane, le système anglo-saxon restent marqués. Et au final, plusieurs grandes leçons sont à retenir :
1. Chaque modèle s'affaiblit d'abord et avant tout lorsqu'il perd sa cohérence interne. Le Japon a été ébranlé par le passé par une dérèglementation mal contrôlée de sa finance et de sa distribution. Le Royaume-Uni a loupé sa transition vers plus de flexi-sécurité sous Tony Blair. La France s'est considérablement affaiblie en succombant au mythe post-industriel anglais sans se doter des outils d'attractivité fiscale qui allaient avec.
2. Chaque modèle s'affaiblit aussi du fait de dérives internes; les modèles méditerranéens lorsqu'ils se laissent gangrener par le clientélisme ; les pays anglo-saxons lorsqu'ils succombent à leur libertarisme financier ; L'Allemagne demain, si elle s'endormait sur la rente qu'elle prélève sur l'Europe de l'Est.
Au final, la pluralité structurelle et conjoncturelle fournit souvent une bouffée d'oxygène aux économies malades. Ce fut le cas par exemple au début des années 90 pour la Suède ; ce fut encore le cas pour l'Allemagne, lorsqu'elle peinait à digérer sa partie orientale. Et ce sera peut-être le cas pour la France si elle parvient à se placer en remorque de la reprise européenne.
Ce qui pourrait réhabiliter le modèle français à plus long terme, ce serait sa capacité à gérer les grands équilibres sociaux. Car la désocialisation d'une part croissante de la population européenne constitue une des conséquences les plus désastreuses de la crise. Une bombe à pauvreté, notamment parmi les retraités, est en train de se constituer dans le Sud de l'Europe, mais en Allemagne aussi où une part croissante de la population en mini-job se prépare une retraite de misère. L'obtention des équilibres de court terme se fait en sacrifiant le long terme et de ce point de vue, il y a bien quelque chose à attendre du modèle français.
Olivier Passet, L'anti-modèle français a de l'avenir, une vidéo Xerfi Canal
Publié le jeudi 26 septembre 2013 . 5 min. 01
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