Sur des marchés développés en faible progression, la croissance externe est un enjeu clé pour les moyennes et grandes entreprises. C’est par elle que les entreprises captent les parts de marché, accroissent leur pouvoir de marché et de réseau qui leur confère une meilleure maîtrise du prix, qu’elles se constituent des bases arrières à l’étranger pour mobiliser des ressources, et qu’elles développent une force de frappe pour capter la demande du grand large.
Après une crise longue, qui a affaibli des pans entiers de la production et fragilisé certaines entreprises, le risque c’est de devenir la proie des entreprises en proue de la reprise. C’était un des gros dangers que nous avions mentionné pour l’économie française dès 2013. La perte de contrôle en 2015 de la branche énergie d’Alstom, puis la fusion du cimentier Lafarge avec Holcim ou la fusion de la branche ferroviaire d’Alstom avec Siemens, en 2017-2018, n’ont fait par la suite que surligné la réalité de la menace d’un repli des intérêts français.
Le retour des fusacq
Mais au-delà des cas les plus emblématiques, comment se positionne la France dans cette grande lutte pour consolider les marchés à son profit ? Le marché des fusions acquisitions bat son plein et renoue avec ses niveaux d’avant crise. Le phénomène est amplifié par l’hyperactivité du capital investissement sur le segment de la transmission, qui tend à financiariser toujours plus notre économie.
Or, au-delà des grands cas que je viens de mentionner, la balance ne semble pas jouer systématiquement en défaveur des intérêts français, notamment depuis 2017, où l’on a vu notamment à la manoeuvre PSA avec Opel, Altran avec Arcent, Suez avec GE Water, Thales avec Gemalto, Danone et Whitewawe, Essilor et Luxottica.
La France redevient investisseur net
Après des années de gel, les entreprises françaises seraient-elles reparties à l’offensive ? Le mouvement d’expansion est retracé dans la balance des paiements, à travers l’investissement direct, qui relate non seulement les opérations de fusion acquisition transfrontières, mais aussi toutes les autres opérations qui participent à l’accroissement de la valeur des capitaux productifs sous contrôle hexagonal, par réinvestissement des profits dégagés à l’étranger, ou par accroissement de la dette intra-groupe notamment.
Ces données confirment que la France reprend pied doucement mais surement en matière d’investissement direct à l’étranger. Le tissu productif reprend son mouvement d’extension depuis son point bas de 2014. Les niveaux sont encore loin des pics du début des années 2000 ou de la seconde moitié des années 2000, mais il faut avoir en tête que ces périodes étaient aussi des périodes de survalorisation des acquisitions. Surtout, la France redevient investisseur net, alors qu’elle avait perdu transitoirement ce statut début 2016.
Derrière la croissance externe, l'endettement
Bref ces données confirment que la France convalescente n’est pas la proie que l’on pouvait craindre. Il faut néanmoins rechercher d’où provient cette capacité offensive, dans un pays qui a vu sa profitabilité entamée et dont la valorisation des groupes reste en retrait d’autres grandes nations, Allemagne et Etats-Unis en tête. Et c’est là qu’apparaît peut-être le talon d’Achille français en matière de croissance externe : les grandes entreprises hexagonales ont certes des munitions financières (trésorerie, importants actifs en actions et obligations), mais celles-ci sont adossées à de la dette. Une dette qui a évolué à contre-courant de ce que l’on observe dans la plupart des grandes économies. Derrière cette offensive, il y a du levier, qui fait son miel de la faiblesse actuelle des taux d’intérêt. Une prise de risque industrielle qui se double donc d’une prise de risque financière.
Publié le jeudi 1 mars 2018 . 4 min. 23
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