Xerfi Canal présente l'analyse d'Olivier Passet, économiste, directeur des synthèses économiques de Xerfi
Le gouvernement vient de réaffirmer la cible de 3% de déficit budgétaire pour 2013. Cette cible est non seulement intenable. Elle est de surcroît dangereuse. L’équation budgétaire du gouvernement est insoluble à court terme. Dans le contexte de croissance qui se dessine en Europe, l’ajustement annoncé va rapidement s’avérer totalement irréaliste. Pire ! à se polariser sur les seuls équilibres budgétaires, cela ne peut qu’affaiblir la croissance et la compétitivité.
Je voudrais d’abord revenir sur la situation des finances publiques en cette rentrée 2012.
• Premier constat : le déficit des administrations publiques était de 5,2 % fin 2011.
• Deuxième constat : le gouvernement a réaffirmé cet été son objectif de ramener le déficit à 4,5 %, en 2012, sous l’hypothèse d’une croissance de 0,3 %.
• Troisième constat, le gouvernement a confirmé le caractère irrévocable de sa cible de déficit de 3% pour 2013. Il l’a fait sous l’hypothèse d’une croissance de 1,2%, chiffre totalement irréaliste.
Même dans cette hypothèse de croissance, cela signifie que le gouvernement prévoit d’exercer une ponction de 65 milliards sur l’économie entre 2011 et 2013. Pourquoi 65 milliards ? 45 milliards résultent de la simple différence entre le solde de 2011 et celui visé en 2013. Environ 20 milliards viendront compenser les pertes de recettes et le surcroît de dépenses liés à la mauvaise conjoncture… Au total, l’ajustement représente 3% du PIB.
Et encore ce calcul ne tient pas totalement compte du fait que la croissance se dérobe sous l’effet de la rigueur. Selon Xerfi, l’Etat surestimerait la croissance de près d’un point pour 2013. Et cela voudrait dire que pour respecter l’objectif de 3 %, il faudra trouver 10 milliards d’euros supplémentaires.
L’État se retrouve ainsi dans une situation paradoxale et trompeuse. A la fois près du but… et très loin du compte, du fait que l’activité se dérobe sous ses pieds….
Le plaidoyer du gouvernement en faveur de la cible de 3% de déficit repose sur deux arguments forts mais trompeurs. Un, la nécessité de préserver la bonne signature française. Deux, la nécessité de dégager des marges de manœuvre budgétaires pour investir ultérieurement dans la croissance. En d’autres termes, la rigueur d’aujourd’hui, ferait l’investissement de demain et la croissance d’après-demain.
Ce raisonnement est plus que fragile. La qualité de la signature française est bien davantage menacée aujourd’hui par le délitement de la croissance. Restaurer la compétitivité hexagonale doit être une priorité absolue. Et les marchés financiers sont parfaitement capables de le comprendre si on leur présente une stratégie cohérente.
D’ailleurs, on surestime beaucoup le risque d’augmentation des taux si l’on décidait d’étaler le remboursement de la dette. Les grands pays se financent aujourd’hui à des conditions exceptionnellement favorables. Comme vous pouvez le voir sur ce graphique, les taux réels sont nuls voir négatifs. Les grandes signatures bénéficient à la fois d’une épargne mondiale abondante et du mouvement de défiance à l’égard de la dette des pays du Sud. Il faut bien reconnaître que les marchés sanctionnent avant tout aujourd’hui l’absence de perspective de croissance en Europe et l’aggravation des déficits qui en découle. La mise sous surveillance du triple A allemand par Moody’s cet été est d’ailleurs bien symptomatique de cette inquiétude.
En étant trop scrupuleux, à la décimale près, à l’égard du pacte de stabilité, le gouvernement prend le risque d’approfondir et d’installer la récession dans la durée. Il participe à une destruction irréversible de capacités et de compétences. Il se piège dans la stratégie défensive consistant à freiner les plans sociaux comme il l’a fait au cœur de l’été….plutôt que de travailler à l’émergence de secteurs d’avenir.
L’ordre des priorités promu par le gouvernement est d’autant plus douteux que la Commission européenne, comme l’ensemble des institutions internationales (FMI, OCDE), admettent que le déficit hexagonal, si on le corrige de l’influence négative de la conjoncture, se situe déjà dans la zone des 3%. Autrement dit les conditions structurelles d’une stabilisation de la dette publique en % du PIB sont déjà réunies.
En définitive, il est urgent que le gouvernement définisse les contours de sa stratégie de long terme pour rétablir la rentabilité et la compétitivité des entreprises. Il doit notamment être clair sur les moyens financiers qu’il entend mobiliser pour concrétiser son ambition… quitte à se faufiler entre les mailles du filet du pacte de stabilité.
Olivier Passet, La folle équation budgétaire de la rentrée, une vidéo Xerfi Canal
Publié le jeudi 6 septembre 2012 . 5 min. 24
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