Quelles sont aujourd'hui les valeurs refuges et que nous disent-elles du niveau des risques sur les marchés financiers ? Les cours de l'or ont battu notamment un nouveau record début décembre. Faut-il s'en inquiéter ?
L'or est historiquement la valeur refuge par excellence en cas de crise profonde et généralisée des marchés d'actif. Les grands rallyes de hausse du métal jaune se produisent historiquement lorsque même les valeurs les plus sûres, la pierre ou le dollar n'inspirent plus confiance. Il suffit de regarder les cours de l'or sur longue période pour saisir sa fonction de refuge de dernier recours.
Historique des hausses de l'or
La première grande vague de hausse se produit durant les années 70 : c'est un véritable cocktail détonnant qui enfièvre le marché, et qui fait multiplier par près de 20 les cours : l'abandon de la convertibilité du dollar, créant alors une défiance sans précédent sur le billet vert, à quoi s'ajoutent une vague inflationniste et surtout une remontée brutale des taux d'intérêt à partir de 1979, qui brise le crédit et déstabilise tous les marchés d'actifs, immobilier compris. La seconde vague de hausse, c'est toute la période qui s'étire de la crise du Nasdaq et des NTIC des années 2000, laquelle va déstabiliser toutes les bourses des pays avancés, jusqu'à la crise des subprimes, qui crée une profonde défiance sur le dollar. Cette crise s'étire finalement jusqu'en 2012, embarquant dans son sillage toutes les gammes d'actifs, l'immobilier, certes, mais aussi les marchés de dettes souveraines. À nouveau l'or fait office de valeur refuge et explose ses records des années 70-80.
Et il faut à nouveau les multiples conflagrations, de la crise sanitaire, de la guerre, de la résurgence de l'inflation et de la remontée des taux pour propulser l'or sur de nouveaux sommets. En vérité, depuis la crise des subprimes, la peur d'un risque d'effondrement majeur sur les marchés d'actifs n'est jamais complètement retombée. L'anomalie des taux zéro ou négatifs, portant en germe la grande peur d'un Big One en cas de normalisation future des taux.
Double défiance : immobilier et dollar
Comme par le passé, le haut niveau de l'or sanctionne une double défiance : 1/ envers l'immobilier, marché qui purge encore ses excès passés en Europe, aux États-Unis, mais aussi en Chine. 2/ à l'égard du dollar et des bons du Trésor qui servent de support à sa détention. Un mouvement aggravé par la stratégie délibérée de la Russie et de la Chine de réduire leur dépendance à la devise américaine.
Mais l'or, au fond, est en apesanteur sur de très haut niveau depuis 15 ans et les records ponctuels qui émeuvent les marchés depuis quelques mois ne sont que des épiphénomènes. Les embardées récentes ne témoignent pas d'une vague de fond de portée équivalente à ce qui s'est produit dans les années 70 ou 2000-2010. Pour deux raisons :
1. Premièrement, les marchés viennent d'encaisser la remontée des taux, et abordent plus sereinement maintenant la phase de décroissance des tensions inflationnistes ; cette dernière préfigure une détente prochaine des taux d'intérêt, une séquence qui ouvre de nouvelles opportunités de plus-values sur les marchés des titres.
2. Deuxièmement, si l'on entend par valeur refuge, non des valeurs stables, mais des valeurs rares, haussières sur longue période, protégeant a minima de l'inflation, et dont les variations sont fortement décorrélées des marchés d'actifs standards, permettant ainsi de diversifier efficacement les risques, alors les investisseurs disposent aujourd'hui de nombreuses alternatives à l'or !
• D'abord le segment des crypto-monnaies. Aussi immatures soient ces marchés, leurs déboires récents ont finalement consolidé par défaut le bitcoin ; ce dernier fait de plus en plus office d'or digital et pourrait voir la liquidité, la profondeur et la légitimité de son marché accrue, si comme l'anticipent les marchés, BlackRock parvenait à mettre en circulation son fond indexé sur la crypto-monnaie reine. Il suffit de superposer les cours de l'or, du S&P500 et du bitcoin, pour comprendre que ce dernier ouvre bien un segment de spéculation et de risque très spécifique et déconnecté des autres actifs.
• À quoi s'ajoute le marché de l'art et toutes ses composantes, allant des plus spéculatives avec les fameux NFT, ces droits sur des œuvres virtuelles au destin très chaotique à ce jour, jusqu'aux segments les plus matures.
Si l'on regarde finalement toute la gamme des valeurs refuges, que jouent les plus gros patrimoines, les risques de perte sont plutôt de leur côté aujourd'hui. Le marché de l'art patine, le bitcoin vient de connaître une rédemption qui ne compense pas sa bérézina récente et l'or plafonne en dépit de ses récents petits records. Et les opérateurs, loin de se réfugier, se comportent comme si l'orage était passé, alors que rien n'a été véritablement purgé.
Publié le mercredi 13 décembre 2023 . 5 min. 17
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d'Olivier Passet
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