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Patrick Artus ne sera pas reconduit à Natixis. Et avec lui, c’est un roc, un incontournable de la macro-économie, une institution à lui seul qui se sépare de son employeur. Le concernant, Guillaume de Calignon des Échos a parlé avec affection de « Lucky Luke de l’économie » tant il canardait plus vite que son ombre ses analyses au fil de l’eau, cela durant cinq décennies. S’imposant comme point de référence incontournable. On pourrait parler aussi de « tonton flingueur », tant son phrasé sans langue de bois, son autorité bonhomme, en imposaient. Au-delà de son cas, c’est toute une race d’économistes, ancrés dans les faits, en connexion avec le monde de l’entreprise, de la finance ou de l’administration, celui de l’académie la plus rigoureuse et du politique qui s’efface peu à peu, rattrapée par l’âge et aussi malheureusement par la mort. Ces inductifs, capables d’ajouter une couche d’intelligence incomparable aux chiffres et aux faits, riches d’une expérience longue, d’une profondeur historique, leur permettant de détecter les anomalies, les analogies, doués d’une sérendipité sans pareil, sortent peu à peu du jeu, sans relève : les Jean Marcel Jeanneney, de Boissieu, Fitoussi, Lorenzi, Daniel et Elie Cohen, Plihon et bien d’autres…


L'économie en retrait des feux médiatiques


Et avec eux, l’économie sort peu à peu de la lumière médiatique. Les débats enflammés autour des crises, des réformes, des turbulences financières ne semblent plus mobiliser l’attention. Pourquoi une telle désaffection? Par absence de relève, peut-être, mais l’explication est trop courte. Pour des raisons conjoncturelles aussi. L’actualité a ses lois propres. Et ce sont aujourd’hui les thématiques géopolitiques, sécuritaires, sociétales ou sociales qui ont pris le dessus. La conjoncture encore en apesanteur, sans stigmates clairs d’une vraie dégradation, endort les cerveaux.


Mais cette raison ne suffit pas non plus. Que la mâchoire de la récession se resserre, que les problèmes de soutenabilité de la dette retrouvent leur acuité, que l’emploi dévisse, que l’incertitude submerge le monde des affaires, et les avis d'experts retrouveront leur audience pour réduire l’incertitude. Et avec eux, de nouvelles figures émergeront.


Crise de renouvellement des idées


Il existe aussi des raisons de fond qui bloquent la relève. Elles tiennent à la situation de crise que traverse la discipline, ne parvenant pas à renouveler ses paradigmes. Indéniablement, l’économie peine à embrasser les problématiques nouvelles qu’elle a elle-même contribué à enraciner : le bouclage social, environnemental, voire financier. Plus que jamais, elle échoue à rationaliser les désordres contemporains et à produire des projections éclairantes. Raison pour laquelle Olivier Blanchard, mais bien d’autres économistes encore, de Joseph Stiglitz à Robert Shiller, en passant par George Akerlof ou Paul Romer, appellent à une rénovation de la pensée en suggérant une remise en question des dogmes traditionnels et en prônant une approche flexible et adaptative pour relever les défis contemporains. Mais l’on attend toujours le corpus de synthèse fruit de cette réflexion.


Autre raison de fond également, l’intérêt même de la profession. L’abstraction et la technicisation mathématiques de l’enseignement, la perte de reconnaissance des cursus de politique ou d’histoire économique, les critères d’évaluation survalorisant les publications strictement académiques, ce que l’on appelle la course aux étoiles. Tout cela éloigne la profession du débat public. Les incitations sont trop faibles et la visibilité médiatique est plus perçue comme une menace pour la réputation de sérieux scientifique, qu’un gain.


Combattre le cloisonnement des cultures et des milieux


C’est dommage, car ces économistes pragmatiques, capables de faire la jonction entre l’abstraction universitaire, les acteurs concrets de la vie économique, les politiques, ouverts à d’autres disciplines, sont aussi ceux qui forgent un dialogue permanent entre la théorie et les faits et font entrer l’économie dans le politique, permettant aux citoyens de s’en emparer. Ce sont aussi des têtes chercheuses en termes d’idées nouvelles, ceux par qui les dogmes se régénèrent. Pour reprendre le cas le plus éminent, Keynes n’aurait pas été Keynes s’il n’avait pas été féru d’art et de culture, joueur en bourse et sur les marchés de l’art, collectionneur, fonctionnaire du trésor prenant part à de multiples négociations internationales. S’ancrer dans le réel, c’est aussi cela. C’est combattre le cloisonnement des cultures et des milieux. Et pour affronter des incertitudes toujours aussi aiguës, certaines intelligences vont nous manquer.


Publié le mercredi 31 janvier 2024 . 5 min. 03

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