Xerfi Canal présente l'analyse d'Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi
La musique a un air de déjà entendu. Le gouvernement s’attaque au tonneau de Danaïde de la sécu. 5 milliards de prélèvement d’un côté et 2 milliards d’économie de l’autre. Fidèle à sa stratégie le gouvernement procède sur le mode pointilliste. A base de recettes et de coupes éparses. Tellement pointilliste que le dessin gouvernemental devient insaisissable. Mais à écoper sans donner de perspective, à refuser une rénovation explicite des principes, le gouvernement alimente in fine la peur du naufrage.
La préservation de l’exception sociale française n’est pas une faute tactique en soi. L’idée selon laquelle la compétitivité et l’assainissement financier condamnent le système est une fausse évidence. Elle se nourrit d’une version travestie de la crise. Depuis 2008, les État sont devenus les agents visiblement endettés de l’économie. Ils ont repris les pertes des agents privés ; par ironie de l’histoire, confondant symptômes et maladie, certains observateurs pointent maintenant les Etats providence comme responsables … Se développe une séquence mystifiée et inversée de la crise qui part de la dérive des systèmes sociaux et qui débouche sur l’instabilité financière.
La réalité est autre. A l’origine de la crise on trouve au contraire une double illusion. L’illusion selon laquelle la croissance peut se passer de salaires grâce au crédit. Illusion selon laquelle, les marchés financiers sont des lieux d’assurance efficaces. Or, bien au contraire, les pays qui sont au cœur de la dérive de l’endettement mondial sont des pays qui avaient opté pour le downsizing social depuis des années. On observe une étrange correspondance entre les pays épicentre de la crise financière (États-Unis, Islande, Espagne, Irlande, Royaume-Uni, Grèce, Portugal)… et les pays qui sont en bas de l’échelle en termes de dépenses sociales… comme le montre le graphique….
La crise a pris racine dans la panne des systèmes de redistribution et d’assurance collective…. Les pays anglo-saxons et les pays du Sud ne bâtiront pas une croissance financièrement soutenable sans restaurer des systèmes de protection efficaces. C’est peut-être là leur défi prioritaire. Car si la France est à 2 ou 3 points de PIB de l’équilibre en termes de financement à long terme des retraites et de la santé…. les pays du Sud et les pays anglo-saxons, eux, vont au-devant de problèmes majeurs.
Cela ne veut pas dire que la dérive des comptes sociaux et que l’accumulation d’une dette sociale soit la panacée… loin de là. Les pays du nord l’ont bien compris. Pour garantir la survie d’un système d’assurance collectif efficace, il faut gérer scrupuleusement l’équilibre financier et veiller à son efficacité maximale. Sur ce terrain la France a des progrès importants à faire.
La proportionnalité entre cotisation et prestation est trop affirmée en France. Les Pays du Nord ont bien compris que la protection est un investissement collectif qui dépasse de loin le champ des travailleurs. Trois principes ont guidé leurs réformes : 1 / Participation accrue des inactifs : leurs revenus et leur rente sont gagés sur le travail des autres ; ils doivent participer à l’accumulation d’un capital social. 2 / Diversifier les bases de prélèvement : on ne peut indexer la politique sociale sur les seuls revenus du travail. Alors même que les facteurs de production se déplacent vers le capital matériel et immatériel. 3/ Plus de conditionnalité et de plafonnements des aides : les revenus élevés peuvent en partie s’auto-assurer.
Lorsqu’il réforme à petites touches, le gouvernement a-t-il un fil rouge ? Sûrement. Mais la réforme de la protection sociale est là pour rebâtir la confiance. Elle ne pourra se faire en catimini.
Olivier Passet, Réformer la sécu, mais pas en catimini, une vidéo Xerfi Canal
Publié le mardi 16 octobre 2012 . 4 min. 26
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