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Interroger dans les années 1930 par le Premier ministre de sa Majesté sur la manière de « sortir du trou », John Maynard Keynes avait répondu : « Il faut d’abord arrêter de le creuser ».

Cette anecdote traduit à quel point nos politiques ont dévoyer la pensée économique de Keynes. Comme si la géniale Théorie générale pouvait se résumer en une phrase : qu’importe le contexte et l’état des comptes publics, la relance est le remède à tous nos maux.

La réponse de Keynes détruit ce mythe.

C’est le sujet de mon billet libéral.

Dans son livre, récemment réédité, Une sorte de diable – les vies de Keynes, Alain Minc raconte comment la relance est devenu le vade-mecum keynésien de l’homme politique.

Je le cite : « Dans la version gauchiste, c’est la hausse des salaires, et en particulier des bas salaires, qui en constitue le moteur. Dans la version nationaliste, la priorité va à l’investissement, donc aux dépenses publiques d’infrastructures et de recherche, assorties de baisses massives des taux d’intérêt. Dans la version libéral–il en existe une–, la baisse des impôts constitue le nec plus ultra. »

Et le biographe d’ajouter : « Toutes partagent une même indifférence au niveau des déficits public et des parités de change. »
Voilà comment en pratiquant un keynésianisme plus ou moins honteux, mais systématique, la France se retrouve aujourd’hui avec des comptes publics en désordres, pour ne pas dire hors de contrôle, et une dette à plus de 3000 milliards d’euros.

Dans sa Théorie générale, Keynes brille d’inventivité. Sur la préférence pour la liquidité. Sur les taux d’intérêt comme confrontation entre la demande et l’offre de monnaie. Sur la demande effective. Sur la propension à consommer et l’incitation à investir…

Et aussi sur les multiplicateurs. Ah, les multiplicateurs !

Keynes nous explique que l’impact de l’investissement sur l’emploi dépend de la propension marginale à consommer : plus elle est forte, plus le multiplicateur sera élevé, plus l’emploi progressera.

Commentaire d’Alain Minc : « Voilà du pain béni pour les thuriféraires de la relance. L’épargne n’apparaît plus, comme chez les économistes classiques, le fruit d’un comportement vertueux; c’est en frein sur le moteur économique, puisqu’il réduit l’impact du multiplicateur. C’est un pilier de la morale bourgeoise que, sans crier gare, Keynes met à bas. »

Du pain béni… On a ainsi pu entendre le leader de La France insoumise assurait que la France pouvait supporter 250 milliards de dépenses supplémentaires sur cinq ans. Puisqu’en vertu des multiplicateurs keynésiens, ce plan rapporterait au final beaucoup plus. Sans nuance sur le risque d’épargne, sur la balance commerciale, sur les tensions inflationnistes, etc.

L’économiste Jean-Marc Daniel l’a bien dit : Le succès historique du keynésianisme repose sur ce message que tout homme politique est ravi d’entendre: dépensez sans compter et votre peuple sera plus riche.

Ceux qui aujourd’hui usent et abusent de l’héritage de Keynes ignorent sans doute qu’il n’a joué aucun rôle dont l’élaboration du Walfare State, que l’on doit à William Beveridge. Au fond, la politique sociale ne l’a jamais vraiment intéressé.

Alain Minc encore : « Seules les conséquences, macro-économiques de l’Etat providence lui importent, ce qui met à mal la croyance mythologique de la gauche bien-pensante à un couple Keynes-Beveridge, qui aurait inventé du même mouvement l’Etat-providence et la relance par la demande. »

Keynes lui-même ne se faisait pas d’illusion sur la classe politique, lorsqu’il déclarait : « La méthode des hommes d’État modernes consiste à dire autant de folies que le public en demande. »


Publié le mercredi 06 novembre 2024 . 4 min. 27

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