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Comment comprendre le succès d’une théorie aussi boiteuse et oiseuse que celle d’entreprise libérée ? Plus exactement d’où vient cette idée que l’entreprise serait un espace de libération des possibles et permettrait aux individus de libérer un potentiel caché ?

L’idéologie valorisant le potentiel humain est née en 1962 au sein de l’institut Esalen qui se voulait un lieu d’expérimentation entre les pratiques et théories issues du monde occidental et celles du monde oriental. En d’autres termes il s’agissait d’accoupler la psychologie humaniste avec le yoga et la méditation. Des psychologues tels qu’Abraham Maslow étaient alors convaincus que les hommes ne développaient qu’une partie infime -de l’ordre de 2 à 10%- de leur potentiel caché. Or l’institut Esalen entretenait de forts liens avec la Beat generation et le New Age. Il s’inscrivait dans un courant contre culturel critique de toute forme d’autoritarisme et de conformisme propre à l’American Way of life. Il s’agissait ni plus ni moins de libérer l’expression individuelle, l’imagination et la créativité. Comme le montrent Haud Guéguen et Laurent JeanPierre dans un ouvrage vif et stimulant, l’émergence de cette idéologie a largement nourri le discours sur le développement personnel. Le potentiel est souvent compris comme une forme de réalisation de soi permettant d’accéder à une plus grande confiance, une créativité insoupçonnée. Il s’agirait, comme dans la Reine des neiges d’être « Libéré-délivré ». Cette conception de l’individu comme série de potentiels à actualiser n’a pas grand-chose à voir avec l’idée d’une réalisation de soi dont nous parlent des philosophes comme Aristote ou Kierkegaard. Pour ces derniers, le possible est une détermination essentielle de l’homme, alors qu’elle n’obéit dans le cas du développement personnel qu’à des considérations instrumentales. Si bien que le développement personnel se caractérise par une indifférenciation des moyens et des fins, puisqu’il s’agit d’optimiser à la fois le succès professionnel, l’argent, la qualité de la relation aux autres et à soi-même ; bref d’être performant ; la performance étant ici essentiellement économique, puisque tel est finalement le principe normatif du développement personnel. Les philosophies du possible sont essentiellement des pensées de la limite et de la finitude, alors que le discours du potentiel se rattache au contraire à une pensée ou un imaginaire de l’illimitation. Il s’agit en quelque sorte de dépasser constamment ses propres limites. Et donc de ne pas accepter sa propre finitude.


Le déploiement d’une telle idéologie renvoie à l’inflexion de la pensée néolibérale dans les années 1970 et l’avènement de la notion de capital humain. L’individu n’est plus alors pensé comme un partenaire de l’échange économique mais, pour reprendre les termes de Gary Becker, comme « un entrepreneur de lui-même » qui est à la fois son propre capital et sa principale source de revenus. Il s’agit de transformer le travailleur en une sorte d’entreprise. L’homme économique devient ni plus ni moins qu’un homme psychologique. Il doit régir sa conduite selon la norme de l’utilité et de l’intérêt individuel tout en réfléchissant en permanence sa motivation. Et c’est ici que le possible est susceptible de devenir un poids psychologique. L’individu est en permanence soumis à une confrontation entre d’une part ce sentiment d’une possibilité illimitée, et de l’autre la conscience de quelque chose d’immaîtrisable. L’individu qui est désormais propriétaire de soi, doit combiner la face exaltante et séductrice de la possibilité illimitée et la face plus sombre de sa propre insuffisance. La promotion constante du potentiel humain indexe la valeur de l’individu sur celle d’un capital qu’il doit gérer pour en extraire une plus-value de jouissance et de capacités relationnelles. Mais rien ne dit que la réalisation de soi, la recherche de jouissance et la performance soient compatibles, contrairement à ce qu’essaie de nous faire croire l’idéologie du développement personnel.


Publié le vendredi 17 juin 2022 . 5 min. 05

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