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La part maudite : ce luxe futile mais indispensable !

Publié le jeudi 23 mars 2023 . 4 min. 39

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Le luxe est accusé de tous les maux associés au consumérisme frivole et aux plaisirs coupables. Il serait inessentiel, polluant et incapable de résoudre l’impérieuse nécessité de durabilité à laquelle nous assigne le catastrophisme ambiant. Comment pourrait-on en effet conjuguer le durable avec ce qui semble ressortir du futile et de l’oisiveté ? Mais de la même façon que la transformation digitale n’a pas fait disparaître les livres, n’espérons pas nous débarrasser du luxe qui est un invariant anthropologique consubstantiel à l’organisation de toute société. Et pourtant il défie les lois de la rationalité. Il appartient à la sphère de la dépense improductive, de la dilapidation, de l'excès inutile, de la gratuité, bref de ce qui a lieu « pour rien ». Il apparaît comme l’antithèse de tout ce qui relève de la sphère du travail, de l'économie, de la production, de la raison utilitaire.

Et pourtant le luxe est d’une grande utilité. Ce sont d’ailleurs les penseurs utilitaristes du 18ème qui furent les premiers à en montrer l’utilité sociale et économique contre l’opinion commune qui le condamnait depuis l’Antiquité, lui reprochant d’être un gaspillage inutile et immoral. Au contraire, rien n’est plus utile que le luxe. Mais pour des raisons anthropologiques et non économiques.

Et c’est pour cela que, contrairement à ce qu’on pourrait penser, le luxe a toujours existé. Et c’est là qu’intervient un immense penseur injustement oublié : Georges Bataille. Dans son livre La part maudite, il montre qu'une société ne se définit pas seulement par la façon dont elle produit des richesses, et par les rapports sociaux qui s'articulent à ces modes de production, mais aussi par la façon dont elle dépense l'excédent de ces richesses, la fameuse « part maudite » qui donne le titre au livre. C’est en quelque sorte la part sacrée de son système productif, celles des dépenses somptuaires du monde féodal qui affirmaient  une gloire, une souveraineté, et suscitaient une admiration quasi unanime. Sans elles, nous n'aurions jamais eu les grandes cathédrales gothiques ou le château de Versailles. Bataille qui lie cette part maudite au sacré nous éclaire sur des phénomènes comme le sacrifice (dans les sociétés antiques, ou précolombiennes), la guerre, ou encore le potlatch dans certaines communautés « primitives ». Le potlatch est cette forme d’échange où chaque tribu fait les dons les plus somptueux à une autre pour imposer son prestige, l’autre étant dans l’obligation de donner à son tour, mais de manière accrue pour ne pas perdre la face. C’est pour un chef une façon de maintenir son rang ; il lui faut prouver qu’il est hanté et favorisé des esprits et de la fortune, qu’il est possédé par elle et qu’il la possède ; et il ne peut prouver cette fortune qu’en la dépensant, en la distribuant, en humiliant les autres, en les mettant “à l’ombre de son nom” comme le disait le sociologue Marcel Mauss, qui a beaucoup influencé Bataille. C’est pourquoi « le luxe ne renvoie pas tant à l’objet qu’à l’idée même de possession et de dépense. Le désir d’imposer son pouvoir social peut aller jusqu’à la destruction de ses propres biens.

Des exemples récents nous rappellent que la rivalité entre chefs et clans peut trouver son expression la plus forte dans la destruction de biens. Un chef saccageant des biens indique par-là que son esprit est plus fort, son pouvoir plus grand que ceux de son rival. Le luxe nous rappelle que nous ne sommes pas que des homo-œconomicus cherchant rationnellement à maximiser notre satisfaction individuelle. La comparaison sociale prime souvent sur le calcul rationnel des coûts et des plaisirs. Les dépenses ostentatoires et la destruction inutile de ses richesses au travers de grandes fêtes ou l’achat de biens à prix d’or sont au cœur du jeu social. Nous ne pouvons pas ne pas dépenser l’excédent que produit immanquablement toute société humaine, ce surplus d’énergie que Georges Bataille appelle la « part maudite ».

Reste à savoir comment il peut et doit être dépensé. Avec excès dans la débauche par une certaine minorité qui s’en arroge le monopole, comme c’est le cas aujourd’hui ? Ou par un processus d’extension démocratique qui le rendrait partageable et commun, peut-être la seule façon de n’être plus possédé par le luxe.


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