Quelle est la réalité économique de la bataille entre taxis et VTC en France ? Car les statistiques sur ce secteur nous révèlent une situation parfois éloignée de l’image d’Epinal dépeinte habituellement.
Commençons avec ce premier indicateur : c’est l’évolution du chiffre d’affaires total des taxis et VTC. Il est en progression de 6% par an depuis l’arrivée des plateformes de mise en relation en 2010 qui ont véritablement relancé ces services de transport en France. Les ingrédients de leur succès sont bien connus : prix censément attractifs, simplicité d’utilisation, et surtout paiement en ligne.
Uber, LeCab, Chauffeur Privé, AlloCab ou plus récemment Taxify ont ainsi créé un véritable appel d’air. D’abord côté ménages, où les personnes habituellement peu réceptives à l’offre des taxis ont plébiscité ces nouveaux services en ligne. Leurs dépenses en services de taxis et VTC ont d’ailleurs progressé de près de 5% par an depuis 2010 pour dépasser 1,6 Md€ en 2017. Les chauffeurs ont également voulu tirer profit de ces plateformes VTC en s’y inscrivant. Le nombre d’entreprises ou de microentreprises référencées dans le secteur des taxis et VTC a ainsi bondi de 40% entre 2010 et 2016. 28 000 chauffeurs VTC étaient dénombrés fin 2017 en France, dont 70% situés en région parisienne, soit un peu moins de 20 000. C’est quasiment autant que les taxis à Paris et dans les communes limitrophes, taxis qui restent néanmoins majoritaires dans l’Hexagone avec 60 000 licences délivrées.
Au-delà de l’impact positif de cet effet d’offre sur le chiffre d’affaires total de la profession, taxis et VTC ont profité de vents porteurs. Le secteur du tourisme en France se porte bien depuis 2010, hormis le trou d’air en 2016 faisant suite aux attentats. Idem sur le front du trafic de passagers dans les aéroports qui a bondi de plus de 20% depuis 2012 avec le boum des compagnies aériennes low-cost. Notons aussi la reprise depuis 2014 du marché des voyages d’affaires. Last but not least : le transport des malades qui coûte chaque année la bagatelle de 4 Md€ à la Sécurité Sociale, marché sur lequel les taxis renforcent leur emprise en y réalisant déjà 1,5 Md€, un chiffre en hausse de plus de 3% par an depuis 2010.
Tout n’est pourtant pas si rose. Car si l’on se focalise maintenant sur un échantillon constant de taxis et VTC en activité depuis plusieurs années, eh bien leur chiffre d’affaires a chuté d’environ 30% depuis 2013. Alors oui, les plateformes ont fait grossir la taille du gâteau au fil des années, mais aussi et surtout le nombre de chauffeurs, ce qui a fatalement pesé sur le revenu par tête, surtout pour ceux installés en zone urbaine, où la concurrence est la plus âpre.
La concurrence fait son œuvre me direz-vous. Pas tout à fait. Car les prix de ces services, eux, ne baissent pas, ils augmentent. Et même de plus de 2% par an depuis 2010, un rythme supérieur à l’inflation. Il y a d’un côté les taxis dont les tarifs sont réglementés et qui ne baissent quasiment pas. Et de l’autre, il y a les plateformes de VTC qui usent de la tarification dynamique basée sur des algorithmes pour maximiser leurs marges en exploitant de manière optimale la disposition à payer des clients tout en incitant les chauffeurs à prendre leur voiture.
Et les prix risquent de flamber dans un avenir proche — au moins transitoirement — car une pénurie de chauffeurs se profile à la suite de la mise en place d’un examen très sélectif pour exercer le métier de chauffeur VTC. Tout cela devrait arranger au moins pendant un temps les affaires des taxis, mais aussi des chauffeurs VTC qui reconquièrent un peu de pouvoir de marché face aux plateformes.
Publié le mercredi 16 mai 2018 . 3 min. 55
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