Peter Drucker, le gourou du management, disait qu’un patron prenait, en moyenne, une cinquantaine de décisions non anodines, voire importantes, par jour. C’est dire qu’aucun dirigeant, statistiquement, n’est à l’abri de l’erreur. Dans certains cas, il n’est pas possible de revenir sur une décision (sinon on peut penser qu’Emmanuel Macron rembobinerait la séquence de juin dernier et ne dissoudrait pas l’Assemblée Nationale). Mais dans l’immense majorité des cas, on peut prendre une mesure corrective ou changer de cap. Or il est rare qu’on le fasse. Qu’est-ce qui nous freine ?
La mauvaise décision n’est pas forcément grave en soi : l’histoire économique regorge d’erreurs de management qui ont conduit à un succès plus grand que celui que l’on espérait parce qu’elles ont catapulté l’entreprise sur un tout autre terrain. Alors, pourquoi est-il si difficile de revenir sur une décision ? Il faut comprendre le mécanisme à l’oeuvre pour pouvoir s’en affranchir, car il est dommage de se priver de retours en arrière bénéfiques.
On sait que le rapport à l’erreur, dans la culture française, n’est pas le même que dans la culture américaine, par exemple. L’erreur, qui est souvent perçue comme une faute chez nous, fait partie d’un processus normal de « try and learn » outre-Atlantique. C’est une question de fierté, d’hubris, qui est liée à notre éducation et à laquelle Descartes n’est sans doute pas étranger, puisqu’il ne parle d’échec que pour nous faire culpabiliser et répète que « l’erreur dépend de notre volonté » ce qui revient à dire qu’échouer, c’est échouer à être. Il faut donc vaincre sa fierté. Ensuite, il y a la crainte des protestations frontales, des moqueries dans votre dos, de la démotivation de ceux qui auront travaillé pour rien. On prendra d’autant plus facilement une décision corrective que l’on saura désamorcer les critiques. Donc que l’on aura préparé l’avant, le pendant et l’après.
D’abord, AVANT l’annonce du changement de cap, il est nécessaire de préparer le terrain. Il ne faut pas que le revirement apparaisse comme un coup de tête, une décision prise seul. Il ne doit pas non plus être une totale surprise. Il est donc important d’avoir discuté des problèmes qu’a soulevés la mauvaise décision avec quelques collaborateurs. Il faut leur avoir laissé entendre que vous n’alliez pas laisser les choses en l’état. Et les avoir poussés à réfléchir et formuler des solutions.
2ème phase : PENDANT l’annonce, il est important de parler à la première personne : « j’ai décidé » et non « les circonstances nous contraignent à ». Il faut assumer. Ne surtout pas imputer ce revirement à d’autres personnes ou à des pressions extérieures. Vous pouvez en revanche faire allusion aux discussions que vous avez eues. Avoir un raisonnement logique, argumenté, des chiffres ou un plan précis est indispensable. On conseille traditionnellement de faire votre annonce un vendredi, dans l’idéal juste après le repas quand tout le monde est un peu ramolli, pour minimiser les critiques et la durée d’une éventuelle rébellion. Mieux vaut surtout miser sur une bonne préparation.
Dernière phase, APRES l’annonce : les questions ne vont pas manquer. Il faut les avoir imaginées et avoir vos réponses prêtes. Aucune objection ne doit vous prendre au dépourvu.
Evidemment, il ne faut pas revenir tous les trois jours sur vos décisions si vous ne voulez pas passer pour une girouette. Si les changements de cap sont trop fréquents, c’est le processus de décision qu’il faut interroger. Mais utilisé à bon escient, l’aveu de l’erreur et sa rectification vous feront gagner en crédibilité.
Publié le mercredi 12 mars 2025 . 3 min. 47
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