Le 14 septembre 2017, Elon Musk, le patron de Space X, a posté sur Youtube une vidéo de deux minutes intitulée : « comment ne pas faire atterrir un lanceur de fusée orbitale ». Le film est immédiatement devenu viral : il a été vu par 29 millions de personnes.
C’est un feu d’artifice. Une compilation de ses plus beaux échecs avec la fusée Falcon 9. On enchaîne les explosions en vol, les crashes au sol, les trajectoires contrariées et les atterrissages bancals, le tout sur une joyeuse musique de fanfare militaire. On retrouve toutes les misères qu’ont connues les Falcon entre 2010 et 2016, et qui faisaient tant rire les concurrents d’ArianeEspace ou de Soyouz, convaincus que ce nouveau venu qui leur avait dit « dans 5 ans, vous serez tous morts » était un guignol.
Sauf que, bien sûr, le film se termine en apothéose, avec l’atterrissage parfait d’une Falcon 9 de retour de mission sur une plateforme en mer.
Et depuis, Space X est devenu le numéro 1 mondial des lancements de satellites. Il a pulvérisé tous les records : plus de 220 lancements réussis d’affilée, contre 112 pour Soyouz. C’est cette fusée Falcon – Faucon, du nom du vaisseau spatial de Star Wars, le Faucon Millenium - qui a emmené en avril 2021 Thomas Pesquet vers la station spatiale internationale, ou qui, le 22 février 2024, a déposé en orbite lunaire l’Odysseus d’Intuitive Machines, pour le premier atterrissage commercial sur la Lune de l’histoire.
Mais ce n’est même pas pour sa régularité de métronome que la fusée de Musk est plébiscitée. C’est parce qu’elle a divisé par deux le coût de lancement d’un satellite. Elle a pu le faire parce qu’elle est réutilisable : le lanceur revient sur terre après sa mission.
La fusée réutilisable, c’est la vraie révolution apportée par Elon Musk, l’innovation de rupture qui en a fait un game changer. Cette innovation n’a été possible que parce que ce passionné de science-fiction considère ses échecs non pas comme un dommage collatéral de l’innovation, mais comme sa condition sine qua non. Il répète à qui veut l’entendre : « si vous n’échouez jamais, c’est que vous n’innovez pas assez ».
La leçon que nous apprend Musk, c’est que si vous réussissez toujours tout, c’est que vous restez dans votre zone de confort, que vous vous contentez d’innovations incrémentales, que vous ne cherchez pas à réaliser l’impossible. Quand on veut faire quelque chose qui n’a jamais été fait, il faut savoir qu’on va échouer d’abord. Il faut accepter cet apprentissage.
Elon Musk est maintenant, à nouveau, en phase d’échecs – d’apprentissage, donc - avec Starship, la fusée géante réutilisable qui doit transporter les astronautes américains sur la lune en 2026. La plus grosse fusée du monde et son propulseur Super Heavy ont explosé après 4 minutes lors du premier vol test, le 20 avril 2023. Mais Musk a positivé : l’exploit, c’était d’avoir réussi à décoller !
Un deuxième vol a eu lieu le 18 novembre 2023. Après un décollage parfait, la fusée Starship s’est bien séparée de son lanceur Super Heavy comme prévu – un énorme progrès -, même si les deux parties de la fusée ont fini par exploser. Essayer, casser, progresser : c’est la devise de Musk. En tout cas, il aura des munitions pour sa prochaine vidéo d’échecs. Qu’il mettra en ligne… quand il aura réussi.
Publié le mardi 09 avril 2024 . 3 min. 36
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