En management, on entend parfois parler d’injonctions paradoxales ou encore de « double-contraintes » pour désigner une source d’anxiété et de souffrance pouvant conduire jusqu’à la schizophrénie.
De quoi s’agit-il au juste et faut-il à tout prix chercher leur éradication ?
Une façon graphique de représenter une injonction paradoxale est de montrer un panneau avec écrit dessus : « Ne lisez pas ce panneau ».
On peut également utiliser la métaphore de la fonction circulaire ou celle du robot d’Isaac Asimov confronté à une programmation conflictuelle, celle de devoir se protéger et en même temps obéir à un ordre qui l'oblige à de se détruire.
Dans un environnement professionnel, l’injonction paradoxale se manifeste par une exigence appuyée de la hiérarchie à accomplir deux objectifs généralement formulés à des moments différents mais perçus comme étant contradictoires ou incompatibles.
Par exemple : « Réduisez votre budget » et « Augmenter vos résultats ainsi que la qualité », ou « Soyez innovant » et « Respecter bien les règles » ou encore « Soyez ferme » et « Ne soyez pas autoritaires ».
La perception d’une injonction paradoxale est donc de nature à générer un sentiment de frustration pouvant aller jusqu’à de la souffrance. La personne touchée par un tel sentiment va intérioriser le conflit et ressentir ce que le sociologue Vincent de Gaulejac appelle une « division de l’intérieur ». Elle se sent alors tiraillé entre l’adhésion aux objectifs de l’organisation et la nécessité d’échapper à ce qui apparait comme une incohérence contreproductive.
Dans ces conditions, les critiques sur les injonctions paradoxales sont tout à fait justifiées. Mais, à y regarder de plus près, certaines de ces injonctions ne sont pas aussi paradoxales qu’on le dit.
On peut fort bien être ferme sans être autoritaire si l’on admet que l’autorité ce n’est pas de l’autoritarisme. De même, l’innovation n’implique pas nécessairement la transgression des règles dès lors que celles-ci sont justifiées c’est-à-dire qu’elles encouragent le bien faire son travail tout en préservant l’équité entre les salariés.
En fait, dans un certain nombre de cas, ce qui pose problème c’est d’avantage l’injonction que l’existence d’un paradoxe.
Cela peut s’expliquer par la confusion existante entre paradoxe et dilemme. Si les véritables paradoxes sont incontestablement nuisibles à la santé mentale des salariés, les dilemmes sont en revanche ubiquitaires de la vie organisationnelle car de très nombreuses décisions imposent de faire un choix entre plusieurs alternatives d’insatisfaction comparables.
Cela peut aussi s’expliquer aussi par le fait que nous vivions dans une société où obéir à un ordre est de plus en plus difficile à accepter. La montée de l’individualisme, l’émergence d’une relative incrédulité du corps social et un besoin de comprendre qui se transforme en soif de sens contribuent certainement à alimenter cette hypersensibilité aux injonctions.
A l’arrivée, il convient de distinguer injonctions paradoxales des dilemmes propres à toute activité managériale.
Publié le mardi 19 février 2019 . 3 min. 14
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