Être à l’heure ou ne pas être à l’heure ? La question se pose d’autant plus que nous disposons tous de la même quantité de temps. Et bien que notre ponctualité soit largement influencée par les circonstances, elle est surtout le reflet de notre rapport au temps, un rapport pour lequel il n’existe pas de standard universel.
Être à l’heure à un rendez-vous ou à une réunion est généralement perçu comme une marque de respect envers ses interlocuteurs et même un signe d’autodiscipline. C’est assez juste, mais très partiel, car la ponctualité est une pratique bien plus retorse qu’il n’y paraît.
Elle est d’abord et avant tout une construction culturelle et sociale. Au Japon ou en Suisse, la ponctualité est un devoir qui frise parfois l’obsession. Au Japon, la compagnie Tsukuba Express a fait des excuses publiques car un de ses trains était parti avec 20 secondes d’avance. En Suisse, le dirigeant d’un cabinet d’architecture fermait à clé la salle de réunion à l’heure du rendez-vous afin de décourager les retardataires compulsifs. Difficile d’imaginer cela dans un pays latin où l’on pratique volontiers la politesse du retard.
En Occident, plusieurs études récentes rapportent que la Génération Z est 3 à 4 fois moins respectueuses des horaires au travail que celle des baby-boomers. Faut-il en conclure que la génération Z s’est adaptée à notre époque ou bien que l’on tend à être plus ponctuel avec l’âge ? Ce qui est sûr, c’est que lorsqu’il s’agit de prendre l’avion pour les vacances, la génération Z sait parfaitement être à l’heure à l’embarquement.
Mais la ponctualité est également un marqueur social. C’est le cas d’une certaine élite qui choisit délibérément de ne pas respecter les horaires pour asseoir son autorité. D’autres reconnaissent volontiers ne pas être des addicts de la ponctualité mais assurent faire le nécessaire pour être toujours là au moment où il faut.
Déroger à la ponctualité peut aussi être un moyen de se démarquer. C’est le cas de certains créatifs à l’instar de cette Directrice Artistique d’une célèbre agence de publicité qui aime à rétorquer si on lui fait une remarque sur son retard : « Voulez-vous me voir arriver à l’heure ou de bonne humeur, car je ne peux faire les deux ensemble ! »
Plus subtilement, la ponctualité est aussi révélatrice de notre rapport à l’ordre, à l’autorité au pouvoir. En psychanalyse, arriver à l’heure ou en retard est rarement anodin. L’extrême ponctualité de certaines personnes pourrait être influencée par une éducation stricte et un fort sens du devoir. À l’inverse, le retard chronique chez d’autres pourrait être une forme de résistance contre une autorité intériorisée, un moyen inconscient de refuser la contrainte. Dans ce cas, notre rapport à la ponctualité apparait comme une mise en scène inconsciente de notre place dans le monde.
À l’ère de l’IA, la ponctualité pourrait-elle être une notion obsolète ? Si les tâches sont organisées en temps réel, les horaires fixes pourraient être marginalisés au profit de la fluidité. À moins que nous soyons contraints de nous synchroniser à la machine. Cette dernière ayant déjà réussi l’exploit de nous demander de nous justifier que nous sommes bien humain.
Publié le mardi 10 juin 2025 . 3 min. 42
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