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Dans votre entreprise, vous avez certainement des collègues chargés d’optimiser les processus. Convaincus de l’utilité de leur mission, ils chassent les gaspillages, éliminent les ressources excédentaires et suppriment les redondances. Avec une détermination toute rationnelle, ces partisans du lean et de l’efficience cherchent à maximiser les résultats tout en minimisant les moyens. Au nom de la rentabilité et de la saine gestion, l’optimisation des organisations fait ainsi l’objet d’une abondante littérature, appréciée par de nombreux dirigeants et vendue par de nombreux consultants.


Le slack


Or, cette volonté d’optimisation constante peut se révéler extrêmement dangereuse pour la survie de votre organisation. Comme le rappelait très justement James March, de l’université de Stanford, une organisation en bonne santé est une organisation qui a du slack. En anglais, le mot slack désigne le mou dans une corde pas tout à fait tendue. Pour une organisation, avoir du slack, c’est posséder un volant de ressources superflues et une redondance de compétences ordinaires : plutôt que d’être parfaitement optimisés, les actifs disponibles doivent être légèrement en excès. Le slack permet ainsi, en cas d’indisponibilité d’un individu, de pouvoir aisément le remplacer par un autre. Il assure que chacun, à son niveau, peut prendre l’initiative de résoudre des problèmes sans nécessairement attendre que le service dédié soit sollicité. Le slack garantit un fonctionnement sans à-coups. Si jamais on supprime le slack, si chacun, dans un souci d’optimisation, ne se cantonne plus qu’à une seule tâche et que les ressources sont réduites au strict nécessaire, alors le risque est considérable de voir votre organisation se gripper.


Préférer l’adaptabilité à l’adaptation


De plus, l’optimisation menace votre capacité d’adaptation. Au moment de la dernière période glaciaire, il y a vingt mille ans, lorsqu’une grande partie de l’Europe était sous la neige, le mammouth et le rhinocéros laineux étaient parfaitement optimisés. En revanche, la vie de nos ancêtres, femmes et hommes préhistoriques, était particulièrement difficile, car leur organisme n’était pas du tout adapté à ces conditions polaires. Or, la température a fini par remonter, et tous les animaux optimisés pour le froid ont disparu. L’être humain, en revanche, du fait de sa non optimisation, a été capable de s’adapter. Dans les organisations, le raisonnement est le même : si votre entreprise est optimisée pour un environnement concurrentiel donné, elle est en danger, car – nécessairement – l’environnement finira par changer, et du fait même de votre optimisation, vous serez incapable de changer avec lui. Il vaut donc toujours mieux préférer l’adaptabilité à l’optimisation. L’optimisation, c’est l’inertie.


Par conséquent, méfiez-vous lorsque qu’un manager nouvellement nommé ou un consultant bardé de principes commence par s’attaquer au slack. En réduisant la densité de ressources et de compétences, il peut entamer le bon fonctionnement de votre organisation, voire menacer sa survie. Cela dit, ne vous inquiétez pas trop, car toute organisation a naturellement tendance à recréer du slack : c’est ce que l’on appelle le principe de Parkinson, du nom d’un chercheur anglais qui a observé que la taille des organisations augmente indépendamment de leur mission. Tout manager souhaite avoir un assistant, qui à son tour se rêve en manager. Au total, un peu d’optimisation de temps à autre n’est donc pas nécessairement préjudiciable. Ce qui compte, c’est de ne surtout pas en faire une obsession. Les organisations aussi ont de la bonne graisse.


Publié le vendredi 07 juin 2019 . 3 min. 44

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