Vous avez peut-être déjà rencontré un de ces managers zappeurs, dont le parcours ressemble à un jeu de piste. Certains passent ainsi d’un poste dans l’industrie à une responsabilité dans la finance, d’une direction administrative à une direction opérationnelle, d’une fonction commerciale à une fonction logistique, ou encore d’un statut de consultant ou de banquier à un poste de dirigeant. Dans la haute fonction publique, ils peuvent rebondir d’un ministère à un autre, d’une entreprise à une agence, ou d’une collectivité territoriale à une direction centrale. Pour ces managers hors sol, qui restent rarement plus de quatre ans dans la même position, le contexte est apparemment sans importance. Managers professionnels, ils semblent capables d’exercer leurs talents indépendamment de l’industrie, de la fonction, du lieu et de l’histoire.
Le management n’est pas une discipline théorique
Or, comme le rappelait Henri Fayol, un des pères du management, « la lumière des principes, comme celle des phares, ne guide que ceux qui connaissent le chemin du port. » Si l’on ne connait rien ni à l’entreprise ni à l’industrie dans laquelle on travaille, si l’on ignore la culture, les valeurs, les savoir faire et les schémas de pensée implicites qui structurent le quotidien d’une organisation, même les principes de management les plus éprouvés peuvent se révéler stériles, artificiels, voire toxiques. Le management n’est pas une discipline théorique, en apesanteur, que l’on peut se contenter d’exercer dans le contexte feutré des salles de comité de direction. Il doit nécessairement s’appuyer sur une connaissance intime du concret de l’organisation et ne jamais en négliger les contraintes les plus ordinaires au nom des principes les plus généraux.
L’imposture des managers hors sol
Malheureusement, les managers hors sol n’ont généralement pas le temps de comprendre véritablement ce qu’ils font. Tout accaparés par leur progression de carrière, ils reproduisent les mêmes solutions standardisées d’un poste à l’autre, se font les hérauts des dernières tendances à la mode, et dissimulent derrière leur autorité formelle leur méconnaissance du contexte. S’ils changent aussi fréquemment de poste, c’est paradoxalement pour éviter que leur inconstance soit révélée : la première année, ils arrivent auréolés de leur réputation de grands professionnels. La deuxième année, vous commencez à vous interroger sur la réalité de leur talent. La troisième année, ils passent de plus en plus de temps à chercher un nouveau poste. La quatrième année, ils partent, mais en ayant ajouté à leur CV une nouvelle expérience qui leur vaudra certainement une promotion. Certains en viennent ainsi à occuper des postes réellement importants, où leur détachement sera d’autant plus dangereux.
Par conséquent, méfiez-vous des managers hors sol. Ne vous laissez pas impressionner par la longue liste des fonctions qu’ils ont occupées. Ne soyez pas dupes de leur trajectoire apparemment brillante. Demandez-vous plutôt ce qu’ils ont réellement fait, ce qui les a poussés à changer aussi fréquemment, et renseignez-vous auprès de leurs précédents collègues.
Comme le soulignait très malicieusement Warren Buffet « Lorsqu’un manager avec une réputation d’excellence rencontre une entreprise avec une réputation de difficulté, c’est généralement l’entreprise qui conserve sa réputation. »
Publié le lundi 8 octobre 2018 . 3 min. 09
Les dernières vidéos
de Frédéric Fréry
LES + RÉCENTES
LES INCONTOURNABLES