À chaque fois qu’une opération de rapprochement entre deux entreprises est annoncée, on ne manque jamais de souligner l’importance des synergies attendues. Bien souvent, c’est aussi la recherche de synergies qui justifie qu’une entreprise se réorganise. Or, en stratégie, les synergies, c’est un peu comme les serpents de mer. On en parle souvent, elles servent à expliquer beaucoup de choses, mais il est bien difficile de les voir.
Une synergie, c’est l’idée que 1 + 1 égale plus que 2, c’est-à-dire que le tout vaut plus que la somme des parties. Si votre entreprise est présente sur plusieurs activités distinctes, elle est composée de plusieurs chaînes de valeur. Si ces chaînes de valeur sont parallèles, votre entreprise est ce qu’il est convenu d’appeler un conglomérat et les synergies sont inexistantes. Si en revanche vos différentes chaînes de valeur présentent au moins un maillon commun, c’est là que résident les synergies entre vos activités.
Or, il existe fondamentalement deux types de synergies qu’il ne faut surtout pas confondre.
• Le premier type, ce sont les synergies de coûts. Elles reposent sur l’idée qu’en partageant des activités communes entre des chaînes de valeur distinctes, on réalise d’importantes économies. C’est le raisonnement qui sous-tend toutes les démarches de mutualisation de services et de rapprochement entre concurrents. Lorsque deux entreprises fusionnent, on espère généralement qu’on n’aura plus besoin que d’un seul département de comptabilité, d’une seule direction générale et d’un seul centre informatique. Dans la pratique, les choses ne sont jamais aussi simples et les synergies de coûts sont presque toujours survendues. Du fait des conflits politiques, de l’inertie organisationnelle et du surcroît de complexité provoqué par l’accroissement de la taille, les économies réalisées restent généralement très inférieures à ce qui était annoncé, alors que les tensions provoquées par la mise en compétition des services provoquent de nombreuses inefficiences. La création de services mutualisés entre différentes activités au sein d’une même organisation procède du même mythe : on vend des synergies, on obtient des gabegies.
• Le deuxième type de synergies est beaucoup plus intéressant, mais aussi beaucoup plus rare : ce sont les synergies de valeur. Ici, il ne s’agit pas de réduire les coûts en partageant des maillons entre des chaînes de valeur, mais de renforcer mutuellement la valeur de chacune. Un des exemples les plus fameux de synergies de valeur est le groupe Disney. Le succès des films Disney, Marvel, Pixar, Fox ou Lucasfilm renforce l’attractivité des produits dérivés vendus dans les magasins Disney Store, alimente les programmes des chaînes de télévision Disney et de son service de diffusion et ligne Disney+ et permet d’ouvrir de nouvelles attractions dans les parcs Disney. Réciproquement, les magasins, les chaînes de télévision et les parcs sont des vitrines pour la promotion des films.
La prochaine fois que vous entendrez parler de synergies, demandez-vous s’il s’agit de synergies de coûts ou de synergies de valeur. Si les premières sont bien souvent un mirage, seules les secondes démontrent un véritable talent de stratège.
Publié le lundi 5 juin 2023 . 3 min. 09
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de Frédéric Fréry
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