Dans le classement des entreprises les plus innovantes, établi chaque année par le cabinet de conseil en stratégie Boston Consulting Group, les premières places sont occupées par Apple, Google, Amazon et Microsoft. Sans vouloir contester la remarquable capacité d’innovation de ces entreprises, il est intéressant de souligner qu’en termes de modèle économique, c’est-à-dire la manière qu’elles ont de créer de la valeur au-delà de leurs coûts – et donc de dégager une rentabilité – elles sont en fait relativement peu innovantes.
• Le modèle économique le plus fréquent chez les géants du web, comme Google, Twitter ou Facebook et ses filiales Instagram et WhatsApp, c’est la publicité. Il s’agit de retenir votre attention le plus longtemps possible afin de collecter le maximum de données sur vos goûts, vos habitudes et vos préférences, ce qui permet de proposer aux annonceurs un ciblage plus précis pour leurs publicités. Or, ce modèle économique n’a rien de très nouveau. C’est historiquement celui des radios et des télévisions privées, mais aussi d’une grande partie de la presse écrite. Dès 2004, le P-DG de TF1, Patrick Le Lay, avait ainsi déclaré : « ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau disponible. »
• Un autre modèle habituel sur Internet est l’abonnement. Il est par exemple utilisé par Netflix, Microsoft, Apple, Google ou Amazon. Là encore, rien de très novateur. C’est ce que font Canal+, les opérateurs de téléphonie ou les compagnies de transport en commun depuis très longtemps.
• Un troisième modèle est celui de la commission perçue sur chaque transaction, pratiqué notamment par Uber, Deliveroo, Airbnb, mais aussi par Apple avec l’App store ou par Amazon avec son activité de place de marché. Bien entendu, c’est le modèle économique historique des agents immobiliers, des notaires ou des banquiers d’affaires.
• Un quatrième modèle, encore plus classique, est la vente de produits ou de services, utilisé notamment par Apple, Microsoft, Amazon, Google ou Tesla. Inutile de préciser que ce modèle n’a rien de particulièrement original.
• Plus rare, on peut citer le modèle pratiqué par les plateformes de financement participatif comme Kickstarter, Indiegogo ou KissKiss BankBank, qui consiste à présenter le prototype d’une offre et à demander aux Internautes de l’acheter à l’avance, ce qui permet de la développer. Pour autant, il s’agit de la technique du préfinancement, très classique dans les spectacles ou dans l’immobilier. Lorsque vous voyez en ville un grand panneau indiquant « Bientôt, ici, un immeuble de 5 étages, achetez-vite l’appartement de vos rêves », ou « Bientôt, dans votre ville, un concert de telle grande vedette, réservez vite vos places », si personne n’achète, l’immeuble ne sera pas construit et le concert n’aura pas lieu : tout cela est préfinancé.
• Un sixième modèle est celui de l’hébergement de données, qui est une des sources principales de rentabilité pour Amazon et Microsoft, mais qui est aussi pratiqué par Apple et Google. Cela dit, l’hébergement contre rémunération est après tout ce que font depuis très longtemps des entreprises de stockage comme Shurgard, Homebox ou Une Pièce en Plus, voire les banques de dépôt avec leurs coffres. Seule la nature de ce qui est hébergé est significativement différente.
Au total, il apparaît que les modèles économiques des entreprises les plus innovantes sont en fait relativement classiques. La nouveauté vient de la capacité de plusieurs d’entre elles à les cumuler, mais aussi du contexte dans lequel elles l’exercent, Internet, qui transcende bien souvent leur impact, voire leur nature. Reste que, comme souvent, en termes d’innovation, plutôt que de vouloir faire table rase du passé, il est plus pertinent de faire du neuf avec du vieux.
Publié le lundi 14 juin 2021 . 3 min. 51
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