Vous êtes-vous déjà demandé ce que l’on entend exactement par « haute technologie » ? Cela désigne généralement des technologies « de pointe », compliquées, coûteuses, réservées à quelques experts. On parle de produits rares, élitistes, alors que paradoxalement on utilise le diminutif « high tech » pour désigner les smartphones que nous avons tous dans notre poche. En fait, lorsque l’on parle de « hautes technologies », on ne sait pas très bien de quoi l’on parle.
Pourtant, il existe une définition. À l’origine, le terme « haute technologie » ne qualifie pas des produits, mais des industries. Ce sont les économistes de l’OCDE qui ont forgé cette expression, afin de désigner les industries dans lesquelles les dépenses en recherche et développement, en pourcentage du chiffre d’affaires ou de la valeur ajoutée, dépassent un certain seuil. Cette définition permet d’obtenir une courte liste d’industries qui seules méritent l’appellation de « haute technologie » : il s’agit de l’aérospatial, de la pharmacie, des télécoms et de l’informatique. L’OCDE distingue ainsi quatre catégories : les industries de haute technologie, de moyenne haute technologie, de moyenne faible technologie et de faible technologie. Malheureusement, les économistes ne sont pas d’accord entre eux, puisque ceux de l’ONU préfèrent se limiter à trois catégories, alors que ceux du bureau des statistiques du travail américain identifient pas moins de 48 industries de haute technologie sur un total de 278. Dans tous les cas, retenez que « haute technologie » désigne une industrie et non une entreprise et encore moins un produit, et qu’il s’agit avant tout d’une mesure de l’investissement en recherche et développement.
Or, d’un point de vue concurrentiel, l’investissement en recherche et développement est un indicateur qui n’a pas beaucoup d’intérêt. Même dans les industries de haute technologie comme l’informatique, ce n’est pas la R&D qui fait la différence, mais plutôt des innovations liées au design, au marketing ou à la logistique, comme le montrent les succès d’Apple ou de Dell. Réciproquement, dans des industries de faible technologie au sens de l’OCDE, comme l’alimentaire ou l’habillement, des innovations ingénieuses ont pu donner un avantage concurrentiel significatif à des entreprises telles que Red Bull ou Zara.
Par conséquent, oubliez la notion de haute technologie et adoptez plutôt une typologie fondée sur l’avantage concurrentiel. Vous pourrez alors distinguer :
1. Les technologies émergentes, qui ne sont maîtrisées que par certains concurrents, mais qui ne leur procurent aucun avantage.
2. Les technologies clés, qui ne sont maîtrisées que par certains concurrents, et qui leur procurent un avantage.
3. Les technologies de base, qui sont maîtrisées par tous les concurrents, et qui ne procurent donc un avantage à aucun.
Cette typologie est beaucoup plus utile en entreprise, car elle permet de prendre des décisions d’un point de vue stratégique. Par exemple, vous devez abandonner une technologie émergente si elle ne donne aucun résultat. À l’inverse, vous devez investir massivement dans une technologie clé afin de profiter de l’avantage qu’elle vous procure. Pour autant, le plus important est d’accepter de remplacer par autre chose vos technologies lorsqu’elles sont devenues de base, faute de quoi vous risquez de vous enfermer dans des solutions que vous maîtrisez parfaitement, mais qui n’ont plus d’avenir. Que vous soyez ou non dans une industrie de haute technologie ne change rien à ce constat : vous évertuer à investir dans le DVD, les appareils photo ou le moteur à explosion relève de la nostalgie, mais certainement pas de la stratégie.
Publié le lundi 06 mars 2023 . 3 min. 40
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de Frédéric Fréry
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