Tout comme la nature a horreur du vide, les entreprises ont horreur de la concurrence. En effet, la concurrence tire les prix vers le bas, entame les marges et érode les positions acquises. Dès lors, comment échapper à la concurrence ? Pour cela, vous pouvez mobiliser trois techniques de dissuasion stratégique.
La première est la prolifération temporelle ou spatiale. La prolifération temporelle consiste à remplacer fréquemment vos produits, de telle manière que tout nouveau concurrent sera obligé d’adopter d’emblée votre rythme d’obsolescence. Cette approche est courante dans l’électronique grand public, où la plupart des modèles d’ordinateurs ou de téléviseurs ne sont commercialisés que pendant quelques mois. L’autre forme de prolifération est spatiale : plutôt que de vendre un produit unique, on propose des dizaines de références. Tout nouvel entrant devra alors développer dès le départ une gamme complète, chaque produit offrant un volume trop étroit. Cette approche est typique dans la lessive, les yaourts ou les céréales pour le petit déjeuner. Pourtant, ces deux formes de prolifération ne permettent pas toujours de résister à une innovation majeure : avec l’iPhone, Apple a ainsi redéfini à la fois le nombre de produits vendus dans l’industrie du smartphone et leur rythme de lancement : là où Samsung couvre une large gamme fréquemment renouvelée, Apple propose seulement quatre nouveaux modèles, et une seule fois par an. Devenir le métronome de son industrie, c’est démontrer qu’on la domine.
La deuxième technique de dissuasion stratégique est la réputation de faible marge. Il s’agit de faire croire aux concurrents potentiels que votre activité n’est pas rentable et qu’elle ne vaut donc pas la peine qu’on s’y intéresse. Bien entendu, il faut pour cela qu’un observateur externe ne puisse pas précisément calculer la rentabilité de chacun de vos produits. Cette technique est donc réservée à des activités où de très nombreuses références sont obtenues à partir des mêmes coûts fixes : l’imputation de ces coûts fixes sur chaque produit devient alors trop complexe pour qu’on puisse reconstituer leur rentabilité. Des entreprises comme Air Liquide utilisent avec talent la réputation de faible marge pour dissuader leurs concurrents.
La troisième technique de dissuasion stratégique est la réputation d’agressivité. Elle consiste à annoncer à tout entrant potentiel que son irruption déclencherait de votre part une guerre commerciale sans merci, qui viendrait ruiner ses espoirs de rentabilité. Bien entendu, pour être crédible, cette menace doit être mise à exécution dès que les circonstances l’exigent. Le chimiste AkzoNobel est ainsi connu pour avoir sciemment éliminé un de ses concurrents, puis de s’en être ouvertement vanté dans la presse économique. De même, Honda a bien failli tuer son concurrent Yamaha lorsque celui-ci a tenté de lui ravir la position de numéro un mondial de la moto. Attention tout de même : l’utilisation de la réputation d’agressivité implique une culture guerrière qui ne convient pas à tout le monde.
Au total, que ce soit par la prolifération spatiale ou temporelle, la réputation de faibles marges ou la réputation d’agressivité, les entreprises disposent de tout un arsenal leur permettant de dissuader leurs concurrents. Reste que ces techniques relèvent plus de la tactique que de la stratégie : elles n’offrent pas de garanties de pérennité face à des stratégies réellement innovantes. En fait, le plus important, ce n’est pas de dissuader vos concurrents, c’est avant tout d’attirer des clients.
Publié le lundi 6 février 2023 . 3 min. 35
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