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Vous avez certainement remarqué qu’il est rare que deux dirigeants exceptionnels se succèdent à la tête d’une entreprise. Après le départ d’un manager particulièrement talentueux, celui ou celle qui le remplace semble le plus souvent condamné à gérer l’héritage. On regrette pendant longtemps le départ du prédécesseur et on en oublie souvent le travail de son successeur. Pourtant, dans l’absolu, ce successeur était peut-être un très bon manager : son seul tort est d’avoir été précédé par quelqu’un qui l’était encore plus.

 

Tout est relatif

 

En fait, il en est des managers comme des entreprises : tout est relatif. Aucune performance n’est bonne ou mauvaise dans l’absolu, elle ne peut être jugée que comparativement à la performance des autres. Tout comme les entreprises sont évaluées sur leur capacité à obtenir un avantage concurrentiel – c’est-à-dire à se montrer plus performantes que leurs concurrents – la compétence des managers ne peut être mesurée que par rapport à celle de leurs collègues.

 

Or, si vous succédez à un manager dont la réussite a été exceptionnelle, il vous sera d’autant plus difficile de mettre en avant vos propres résultats, qui souffriront toujours de la comparaison. À l’inverse, si dans le choix de vos opportunités de carrières vous veillez à succéder à des managers moyens, voire médiocres, non seulement votre performance sera par contraste beaucoup plus éclatante, mais de plus vous pourrez toujours obtenir de meilleurs résultats, puisque par définition la marge de progression sera plus grande. Faire encore mieux lorsque tout va bien est particulièrement difficile. Obtenir un progrès par rapport à une situation dégradée est beaucoup plus envisageable.

 

Les empereurs romains se choisissaient un fils adoptif

 

Quelle qu’ait été la compétence du successeur de Jack Welch à la tête de General Electric, il lui a été impossible de laisser une empreinte aussi durable. De même, alors que Tim Cook a fait progresser la performance d’Apple comme jamais auparavant, il n’est jamais parvenu à s’imposer dans l’inconscient collectif face au souvenir indélébile laissé par Steve Jobs. Ce phénomène est d’autant plus criant dans les entreprises familiales, lorsque le successeur est l’héritier d’un fondateur particulièrement emblématique. Dans ce cas, la difficulté est double : non seulement il est difficile de succéder au fondateur – par nature figure tutélaire et admirée – mais de plus rien ne prédispose a priori le fils ou la fille d’un entrepreneur à succès à devenir un dirigeant talentueux. L’histoire montre sans l’ombre d’un doute que la capacité à diriger n’est pas héréditaire. Les empereurs romains l’avaient bien compris, qui prenaient pour successeurs leurs fils adoptifs, qu’ils avaient choisis pour cela, et non leurs fils biologiques.

 

En dehors du cas particulier des héritiers, la contrainte reste la même : en succédant à un manager qui s’est montré exceptionnellement talentueux, vous aurez beaucoup plus de mal à mettre en avant vos propres réalisations, même si factuellement vous parvenez à égaler les siennes. Plus votre prédécesseur aura connu le succès, plus il est probable qu’on minimise le vôtre.

 

Par conséquent, si vous voulez être reconnu comme un manager de talent, suivez cette règle d’or en management : il faut toujours succéder à un loser.


Publié le lundi 27 août 2018 . 3 min. 16

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