Netflix s’attaque aux chaînes de télévision comme Canal+. Airbnb, créé en 2008, propose plus de chambres que le groupe Accor, créé en 1967. Tesla veut concurrencer à la fois les constructeurs automobiles avec ses voitures et les compagnies d’électricité avec ses batteries. Créé en 2009, Uber compte désormais plus d’un million de chauffeurs indépendants, qui ont effectué plus d’un milliard de courses. Netflix, Airbnb, Tesla, Uber, qu’on désigne désormais sous l’acronyme NATU, sont ce qu’il est convenu d’appeler des licornes.
Une licorne, dans le jargon des capitaux-risqueurs, est une start-up valorisée à plus d’un milliard de dollars. Or, si moins de 0,1 % des start-up dans lesquelles investissent des fonds de capital-risque deviennent effectivement des licornes, les NATU suscitent une attention exceptionnelle. Airbnb a ainsi une valorisation de plus de 25 milliards, soit l’équivalent de Hilton et près de trois fois plus qu’Accor. Tesla pèse 31 milliards en Bourse, soit autant que Renault plus PSA. Le record appartient cependant à Uber, avec une valorisation boursière stupéfiante de 65 milliards, soit autant que Volkswagen.
Pourtant, toutes ces licornes sont très lourdement déficitaires.
En 2015, Airbnb a dégagé une perte de 150 millions sur un chiffre d’affaires de 900 millions. Sur la même période, Tesla a perdu 889 millions sur un chiffre d’affaires de 4 milliards, ce qui correspond tout de même à une perte de 17 600 dollars par voiture. Cependant, le record revient là encore à Uber, qui sur le premier semestre de 2015 a réalisé un chiffre d’affaires de 663 millions, mais a dégagé une perte de 987 millions, soit 1,5 fois ses ventes.
Comment expliquer que des entreprises aussi déficitaires soient autant valorisées ?
En théorie, la valorisation d’une entreprise correspond à l’actualisation de sa rentabilité future. Une valorisation élevée repose donc sur deux piliers : l’espoir de profits à venir et un taux de croissance élevé permettant d’effectuer le calcul d’actualisation. Si jamais la perspective de profits futurs s’éloigne ou si la croissance diminue, la valorisation s’effondre. C’est par exemple ce qui est en train d’arriver à Twitter.
Par conséquent, si les investisseurs valorisent autant Uber, c’est qu’ils font l’hypothèse que l’entreprise sera bénéficiaire à terme et qu’ils actualisent cette rentabilité en utilisant son formidable taux de croissance. Pour autant, cette perspective est-elle crédible ? On peut légitimement en douter.
En effet, quels est véritablement l’avantage concurrentiel d’Uber par rapport à une compagnie de taxis comme G7 ? Tout comme Uber, les compagnies de taxi ont une flotte de voitures, des chauffeurs, des applications géolocalisées et une base d’abonnés. En fait, le seul actif distinctif d’Uber, c’est la qualité de son service. Mais d’un point de vue stratégique, cet écart n’est pas insurmontable pour les compagnies de taxi.
Par conséquent, méfiez-vous des licornes. Tout ceux qui y ont investi ont intérêt à ce que vous croyiez encore plus qu’eux à leur succès futur, car cela sécurise leur investissement, mais en réalité la plupart des licornes risquent de rester ce qu’elles sont : des animaux mythiques.
Publié le mardi 31 mai 2016 . 3 min. 25
Les dernières vidéos
Stratégie
Les dernières vidéos
de Frédéric Fréry
LES + RÉCENTES
LES INCONTOURNABLES