En matière de transformation, les entreprises ne souffrent ni d’un manque de volonté, ni d’un manque de ressources pour relever les défis technologiques, écologiques, sociaux et politiques sur leur chemin ; elles sont souvent victimes de croyances qui les empêchent de penser le travail réel au-delà du travail prescrit.
Ces croyances sont nombreuses. En voici un certain nombre :
• Une organisation, ce sont les structures (organigrammes, processus, procédures, systèmes d’information…) c’est-à-dire les relations formelles : L’organisation est ainsi réduite à sa dimension extrinsèque au détriment de ce qui fait sa substance : les relations, les modes de fonctionnement. Une telle croyance découle d’une vision instrumentale de l’action collective pour laquelle, « savoir, c’est pouvoir, comprendre, c’est être capable de refaire, le réel est ce qui se répète ».
• La qualité du travail est une notion objective : La qualité du travail est donc tout sauf une notion objective. Elle ne se prescrit pas mais se négocie car dans une équipe tout le monde ne s’accorde pas sur ce qu’est le travail bien fait. Comme le souligne Yves Clot, dans une équipe, certains priorisent le produit, d’autres les délais, d’autres les gestes etc…D’ailleurs, les inclinaisons des uns et des autres, parties prenantes à l’action collective peuvent même fluctuer en fonction des circonstances d’autant plus que le travail est vivant.
• Manager, c’est trouver des solutions à des problèmes : une solution ne peut exister que pour un problème mathématique ou technique car une solution est une réponse qui satisfait l’ensemble des données d’un problème. Dans le cas d’un « problème » managérial, les données du « problème » étant de nature différentes et souvent contradictoires, aucune solution ne peut les satisfaire pleinement. Seul un « arrangement » est de mise c’est à dire toute action permettant un compromis acceptable. L’arrangement n’a donc pas « la force irrésistible de l’évidence », il est ainsi rarement définitif, une revoyure pouvant être nécessaire si les données du « problème » évoluent.
• La procédure est plus efficace que la confiance : La procédure se prescrit alors que la confiance s’institue et nécessite un véritable travail dans le temps sur le collectif. Insuffler les conditions de la confiance nécessite de rendre transparent les manières de travailler, de s’accorder sur des règles de travail et de vie qui sont à même de minimiser les coûts de coordination. C’est un véritable projet d’entreprise. Il n’est donc pas étonnant que le réflexe pavlovien soit de préférer la procédure à la confiance.
Toute rupture avec ces croyances passera par une réforme des systèmes de représentation du réel en entreprise. Cela passe par une formation au management et à l’action collective augmentée des apports des sciences humaines et sociales au-delà des extrapolations de résultats partiels. En effet, les sciences de l’ingénieur et les sciences de gestion sont souvent aveugles quant à dynamiques réelles de l’action collective. C’est donc une nécessité de former les étudiants et les intervenants en entreprise aux sciences du travail.
Publié le vendredi 14 avril 2023 . 3 min. 17
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