La stratégie de l'autruche : démasquer l'illusion managériale

Le professeur de management Omar Aktouf, dans son fameux ouvrage « La stratégie de l’Autruche » a montré ô combien penser le management sans penser l’économie est une incurie. Il a ainsi introduit sa fameuse notion d’économie-management.
Cependant, il y a un autre couple à ne pas perdre de vue si nous voulons transformer avec justesse dans le temps et dans l’espace, c’est le couple éducation-management. On ne peut pas penser la pratique managériale sans penser l’hérésie d’un pan entier de ce qui est appelé « formation en management ».

En effet, on inculque souvent aux ouailles rien d’autre qu’une « illusion managériale » qu’Antony Antony Jay avait bien décrite. Celui qui est victime d’une telle illusion, « considère les gens qui sont sous ses ordres comme les instruments avec lesquels il lui faut accomplir sa tâche et réaliser ses projets. Chacun a un rôle particulier, peut-être une aptitude particulière, et son rôle de manager consiste à l’utiliser, comme un charpentier utilise sa scie, son ciseau et sa foreuse, pour transformer une idée en produit fini. De la même manière, il se considère inconsciemment comme un des instruments de son supérieur hiérarchique ».

Malgré tous les travaux, toutes les disciplines notamment les sciences du travail, critiquant ou dénonçant un tel mythe, la pratique ne change guère !

Le questionnement du couple éducation-management doit donc être au cœur de toute velléité de transformation car il permet de remonter à la raison des effets et ainsi remettre au centre quelques idées forces fondamentales face à la complexité des systèmes sociaux :

- Comprendre une fois pour toute que penser, « c’est ne jamais se satisfaire d’une connaissance partielle même précise et du présent même si lumineuse » comme disait André gros. Il faut donc de la « compétition argumentative » pour ajuster les perspectives ainsi des enquêtes pour se rapprocher d’une compréhension fine du réel. Rappelons-nous cette phrase de Georges Canguilhem : « on calcule des résultats, on enquête sur des jugements et des actes ».

- Comprendre qu’aucune discipline seule ne permet de saisir toute la complexité de l’action collective. Dès lors, sans diplomatie des disciplines, difficile d’envisager de véritables transformations dans l’espace et dans le temps pour obtenir le plus en sacrifiant le moins.

- Sortir du mythe du travail exact : c’est dans le « jeu » entre le travail prescrit et le travail réel que se glisse le « je » qui travaille, la créativité, le dépassement de soi et donc la joie.

- Savoir qu’aucun système social n’est entièrement programmable ou contrôlable. Les hommes ne seront jamais des ressources mais demeurent toujours des acteurs malgré l’étendue des contraintes autour d’eux.

- Comprendre enfin que l’innovation technologique (IA ou toute autre technique) sans les infrastructures sociales et politiques adéquates dans l’entreprise n’est qu’un facteur de routinisation de plus du travail c’est à dire d’augmentation du travail de machine.