Gaston Lagaffe : une icône managériale

Admettons-le, il y a peu de figures héroïques issues de l’entreprise dans la littérature. On peut évidemment penser à Willy Loman, le malheureux commis-voyageur d’Arthur Miller qui se suicide car sa vie ne vaut plus puisqu’il ne sait plus vendre. On peut aussi évoquer César Birotteau de Balzac homme d’affaire brûlé par son ambition… et qui sera la victime de sa cupidité et de créanciers véreux. Mais ce sont des figures bien tristes et bien déprimantes !

Or, nous avons un héros de l’entreprise qui incarne un certain art de vivre et de travailler depuis 1957 : le célèbre Gaston Lagaffe ! « Garçon de bureau » de son état, métier qui, à ma connaissance, n’existe plus, mais ce n’est pas grave, car on ne peut le réduire à sa fonction.
Alors, pourquoi aime-t-on Gaston Lagaffe, et pourquoi est-il devenu une icone de la vie au travail en 2017 ?

Les raisons de cette cote amour ?

- Gaston s’habille cool, alors que nous en sommes encore au costume cravate, au tailleur ou aux uniformes prescrits par l’entreprise, sans aucune touche de fantaisie, sauf peut-être le vendredi avec le fameux Friday wear. Et nous l’envions pour cette liberté vestimentaire. Avec son jean, son col roulé vert et ses espadrilles, il préfigure le look des geeks, et a mis en œuvre, bien avant que Zuckenberg le théorise, le fait de s’habiller toujours à l’identique pour plus d’efficacité et moins de perte de temps.
- Gaston assume ses défauts et ses qualités, il est LUI, ce qui est tellement important dans un monde ou chacun semble en compétition avec les autres,
- Il se moque complètement de ce qu’on pense de lui, état que nous aimerions tellement connaitre alors que nous faisons des insomnies dès que nous sommes en conflit avec un collègue,
- Il est le champion de la conciliation vie privée et vie professionnelle : il apporte des objets de chez lui au bureau et n’hésite pas à gérer des problèmes personnels pendant les heures de bureau,
- Il est extrêmement innovant dans les méthodes de bien être au travail avec, par exemple, l’adoption de thérapies basées sur l’accompagnement d’animaux de compagnie,
- Il est adepte de la chronobiologie puisqu’il adapte ses horaires de travail à son énergie, et n’hésite pas à faire une petite sieste récupératrice pendant le travail,
- Gaston, c’est aussi le maître de l’expérimentation et du learning by doing : pour mémoire, rappelons le fabuleux cactus classeur ou la mirifique machine à cirer les chaussures,
- Sa façon d’investir l’espace des locaux professionnels est aussi très XXIème siècle, les portes et les cloisons ne comptent pas pour lui et ne doivent pas faire obstacle à ses envies de mouvements, de fluidité, d’agilité !
- Enfin, Gaston est résilient et affronte l’échec sans jamais se décourager, en fait, il a la WIN !

Et surtout, surtout, on aime et on admire Gaston car il incarne l’imperfection, avec une telle efficacité qu’il nous soulage de nos angoisses de ne pas savoir faire ou de ne pas réussir.

Gaston remet de l’erreur humaine dans la machine à qualité et à hyperrationnalité qu’est devenue l’entreprise. Il apporte un peu de rêve, et une touche de décalage qui plait. Lui, qui est né au XXème siècle, bien avant Internet, les smartphones, le lean management ou autres innovations impactant le travail, est complètement en phase avec les aspirations et les attentes du XXIème siècle dans la vie au travail. Et certainement encore source de prospective ? à suivre ?