Ne confondons pas inébranlable et immobile. Être inébranlable montre positivement des convictions ou encore une force de caractère mais tout autant qu’un positionnement buté.
Être immobile est très physique, on ne bouge pas. Si être mobile c’est accepter d’être mu ou de se bouger soi-même, c’est parfois aussi avoir une bonne raison à ce mouvement, un mobile justement. L’opinion publique voudrait une France qui soit moins inerte, plus réactive, plus agile, moins engoncée dans les procédures et des tonnes de lois et règlements. Mais quel est son mobile et sommes-nous prêts à cette dextérité ?
Nous sommes cloués par les technologies de l’information à nos postes de travail, à notre écran et clavier, à notre tableau Excel, à nos champions black belts, à nos feuilles d’organisation de réunions et d’annulation fréquentes de ces dernières et nous renforçons notre douleur dorsale. Certes le télétravail apparait comme une liberté de mouvement, mais il est aussi une sédentarisation.
Regardons nos capitales mondiales, au soir venant l’hiver quand les bureaux s’allument. Dans les grandes tours de La Défense, de Manhattan ou de Moscou, de Sydney ou de Rio … ou chez vous, c’est le même paysage. Dans la lumière, des employés figés regardent un écran et communiquent du bout des doigts. Ils expédient avant de quitter leur siège, fauteuil ou tour, leur memo ou une demande pour un collègue qui devra lui répondre le lendemain, ou tout de suite s’il a mauvais goût car il retient au poste de travail l’expéditeur du message ultime de sa journée. Ils créent de la valeur pour leur firme certes mais comment est-ce possible dans cette impassibilité où seule l’information vole de continents en continents et les individus ne se déplacent pas. Nos rythmes domicile travail sont immuables même si les combinaisons sont variables.
Alors on bouge. Mangez bougez nous dit-on, dévorez cinq fruits et cinq légumes, courez, mesurez vos calories, transpirez, dansez même et activez vos corps endormis et alourdis.
Mais le web nous plombe et nous retient assis, contemplatifs. Désormais, en réunion, on ne dit plus « je vais réfléchir » mais «, en anglais si possible, « I’ll contemplate », on se met en sidération.
Qui peut encore nous bouger naturellement ? Evidemment la vie profonde, par exemple celle des enfants à porter, transporter, habiller, distraire. Les voyages privés sont certes pour le sédentaire une pratique salutaire.
Mais la séparation en phases, l’une très inerte dans la tour de bureaux, et l’autre très active dans la partie privée de son temps personnel, s’accentue et scande nos vies.
Pour autant la tradition ouvrière avait bien, dans le passé, distingué le travail posté, fixe et répétitif, et le loisir. Mais cette dichotomie, après s’être étendue aux employés touche tout le monde aujourd’hui, y compris les cadres et dirigeants.
Y a-t-il quelque chose de plus dans l’immobilisation contemporaine française ? Une french touch porteuse d’espoirs, l’esprit critique sans doute.
Publié le jeudi 2 décembre 2021 . 3 min. 23
Les dernières vidéos
Management et RH
Les dernières vidéos
de Laurent Maruani
LES + RÉCENTES
LES INCONTOURNABLES