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Sachez décrypter le bullshit : l'art d'être obscur

Publié le mercredi 16 novembre 2022 . 4 min. 33

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Il n’est pas facile de définir précisément le bullshit – ni d’ailleurs de le traduire en français :  il tient de la foutaise, du pipeau, et bien sûr de la connerie. Pour le philosophe américain Harry Frankfurt, qui a en quelque sorte lancé une école moderne d’études sur le bullshit, ce qui caractérise le bullshit, c’est l’indifférence à la vérité : tandis que le menteur se soucie de la vérité (pour la nier), le bullshitteur ne produit que du verbiage dont le sens n’a au fond pas d’importance.

Il existe en particulier une catégorie importante de bullshit : le « bullshit pseudo-profond » ; celui des gourous qui prétendent révéler des vérités profondes en juxtaposant des mots à la mode sans rime ni raison. On en trouve des exemples spectaculaires dans les livres de pseudo-science new age, mais aussi, évidemment, dans beaucoup de discours de management. En quelques clics sur un « générateur de bullshit en ligne », vous pouvez ainsi produire des phrases qui vous rappelleront certainement vos réunions, comme disintermediate world-class relationships, leverage dynamic interfaces, drive collaborative infrastructures.

Mais comment le bullshit fonctionne-t-il ? Pourquoi ce genre de discours creux ne discrédite-t-il pas immédiatement son auteur ?

Le philosophe et cognitiviste Dan Sperber avait étudié en 2010 ce qu’il appelle « l’effet gourou ». Parlant de Sartre, de Lacan ou de Derrida, Sperber notait que le fait que leurs propos soient souvent sibyllins ne leur nuisait pas, mais ajoutait au contraire à leur prestige. Pourquoi ? Parce que face à un propos que nous ne parvenons pas à comprendre, nous avons le choix entre une explication négative et une explication positive. L’explication négative est que l’auteur n’a pas réussi à s’exprimer clairement. L’explication positive est que sa pensée est trop profonde pour être exprimée de manière facilement accessible. S’agissant de maîtres à penser réputés, il est naturel que la plupart d’entre nous choisisse la seconde explication. Plus les gourous sont incompréhensibles, et plus nous les jugeons profonds.

Certes, direz-vous, mais vous n’êtes pas Derrida. Pouvez-vous, vous aussi, gagner en prestige en alignant des phrases incompréhensibles ? Une équipe de recherche canado-israélienne s’est penchée sur cette épineuse question. Pour ce faire, elle a commencé par pondre un catalogue de bullshit pseudo-profond (du genre « la nature est un système de conscience autorégulé »). Elle a également produit une liste d’affirmations simples, claires et vraies. Les chercheurs ont ensuite présenté ces deux types de propositions à un échantillon de sujets, mais avec une subtilité : chaque citation était attribuée soit à une autorité admirée (comme le dalaï-lama), soit à une personnalité connue mais pas réputée pour sa sagesse (comme Kim Kardashian ou même Harvey Weinstein).

Cette étude confirme l’hypothèse de Sperber sur l’effet gourou : quand le bullshit est attribué à une personne admirable, il semble plus profond que quand son auteur présumé est moins respectable. Mais la comparaison la plus étonnante n’est pas celle-là. Quand les sujets croient lire les sentences d’un sage, ils réfléchissent plus longtemps si celles-ci sont obscures que quand elles sont claires. En d’autres termes, le bullshit nous pousse réellement à réfléchir, à la condition qu’il soit attribué à quelqu’un que nous jugeons digne de foi.  

La conclusion managériale s’impose : vous aussi, soyez impénétrable ! Enfouissez vos analyses, bien trop simples, sous une épaisse couche de bullshit. Nimbez vos conclusions d’une purée de pois sémantique qui désorientera votre auditoire. Plus vous serez incompréhensible, plus votre auditoire se cassera la tête pour essayer de vous comprendre. Du moins, s’il pense que vous en valez la peine…


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