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Des actionnaires de Volkswagen se sont précipités devant la justice allemande le 18 septembre dernier pour déposer plainte contre le Groupe. Leur demande totalise 8,2 milliard d’Euros en réparation du dommage financier qu’ils estiment avoir subi du fait du scandale du logiciel truqueur sur le diesel.  Des actionnaires qui se retournent contre leur société, n’est-ce pas un peu étrange ?


Lorsque les dirigeants commettent des abus de biens sociaux, les actionnaires peuvent se retourner contre eux. Ils ont voté les résolutions nommant les administrateurs qui ont nommé ces dirigeants ; ces derniers ont abusé de leur mandat ; les plaintes contre ces dirigeants font sens.


Lorsque des actionnaires majoritaires jouent de leur position pour tirer profit et avantages au détriment des minoritaires, ces derniers peuvent se retourner contre les majoritaires et contre les dirigeants qui ont favorisé les majoritaires. C’est d’ailleurs le rôle essentiel des commissaires aux comptes que de protéger l’intérêt des actionnaires, de tous les actionnaires, dont les minoritaires.


Mais face aux agissements fautifs de dirigeants ou de certains de leurs subordonnés dans les lignes de management, comme c’est à l’évidence le cas pour le logiciel truqueur des émissions polluantes, les actionnaires peuvent-ils demander des dédommagements en portant plainte, et contre qui ?
On a un peu le sentiment que ces actionnaires raisonnent comme des épargnants de la caisse d’épargne. Ils semblent oublier que la rémunération du capital qu’ils ont engagé est incertaine. Investir dans une entreprise est par définition risqué.


On pourrait même reprocher à ces mêmes actionnaires d’avoir profité des bénéfices indus du logiciel truqué, sans en avoir eu conscience bien sûr, jusqu’à ce que le scandale éclate. A ce titre, on pourrait se dire qu’ils ont un certain aplomb à venir maintenant réclamer un dédommagement ! Et 8,2 Milliards d’Euros ce n’est pas rien ! Même si les deux chiffres n’ont rien à voir l’un avec l’autre, on ne peut s’empêcher de constater que cette demande est du même ordre de grandeur que la pénalité attendue de la justice américaine. Les actionnaires demandent ni plus ni moins que le doublement de la charge de la pénalité !


La financiarisation de l’économie a suivi les années Thatcher et Reagan. Elle s’est accompagnée d’une revendication forte et définitive : l’entreprise appartient à ses actionnaires. Cette affirmation a culminé dans un principe discutable selon lequel « toutes les décisions dans l’entreprise devraient être prises dans l’intérêt de l’actionnaire ».  Le vent du libéralisme anglo-saxon a soufflé fort et longtemps avant que ne commencent à être entendues les voix qui s’élevaient pour rappeler que l’entreprise œuvre au sein d’une communauté sociale. A l’évidence, d’autres parties prenantes que les actionnaires sont intéressés à la prospérité de l’entreprise : les salariés, les fournisseurs, les clients, les gouvernements, les collectivités locales des territoires où sont localisées les sites, les citoyens qui subissent les nuisances diverses liées aux activités, les « externalités ». Paradoxalement, cette logique des parties prenantes (les stakeholders) au-delà des actionnaires (les shareholders) était plutôt celle de l’Europe continentale et singulièrement germanique.


Dans ce contexte, on ne peut s’empêcher de penser que les actionnaires de Volkswagen poussent en réclamant dédommagement, non contents de s’exonérer de la responsabilité d’avoir choisi des dirigeants qui, au mieux, n’ont pas vu la manipulation délibérée des tests d’émission polluante, et, au pire, l’ont laissée prospérer en fermant les yeux.  En voulant se désolidariser d’une opération profondément choquante, ces actionnaires tirent sur leur société et, en fait, se tirent une balle dans le pied. Dans nos pays fondés sur le droit, on peut espérer que le droit et la justice suivront le bon sens commun, celui de la société.


Publié le mardi 14 février 2017 . 4 min. 09

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