Après les révolutions électrique et automobile, les métropoles sont aujourd’hui confrontées à l’essor du numérique. C’est dans ce contexte qu’émerge le concept de villes intelligentes, ou smart cities. Pour comprendre les enjeux, Xerfi Canal TV Florent Stetten-Pigasse, Directeur associé, Oresys.
"Pour commencer, comment définiriez-vous cette ville intelligente ? Le concept est aujourd’hui un peu flou…
C’est vrai que l’expression est un peu fourre-tout. A mon sens, une ville intelligente, c’est d’abord l’intelligence des gens qui la compose et leur capacité à collaborer pour imaginer des solutions nouvelles en saisissant les nombreuses opportunités qu’apportent les nouvelles ressources du numérique. En faisant de la ville un lieu interconnecté, ces solutions vont améliorer la qualité de vie et l’attractivité de la ville. J’aime bien l’idée de « Digital skin », comme une peau numérique qui viendrait recouvrir les réseaux et infrastructures de la ville.
Cette ville intelligente, est-ce aujourd’hui une réalité ?
On parle de ville intelligente, mais ce à quoi l’on assiste actuellement, c’est plutôt le lancement de diverses démarches qui visent à la rendre plus intelligente. Aujourd’hui, on constate un foisonnement d’initiatives qui vont dans ce sens. Dans le transport par exemple, on va chercher à faire baisser les pics de charge en heure de pointe grâce à une meilleure information voyageur et influer ainsi sur le comportement des usagers afin de lisser la charge. Autre exemple : dans l’énergie avec les réseaux d’électricité intelligents, les smart grids. Linky, le compteur intelligent d’ErDF permettra de réguler la consommation d’énergie en temps réel. Et cela sera opérationnel dès 2015.
C’est donc une amélioration de la qualité de services via l’optimisation des ressources…
Oui mais pas seulement…. Les logiques smart ont aussi pour objectif d’économiser de l’investissement en capital et d’améliorer le retour sur investissement des infrastructures existantes. En bout de chaîne, il y a donc aussi l’optimisation et la maitrise de la dépense publique.
Les pouvoirs publics ont donc beaucoup à gagner à engager cette réflexion…
En fait, ce qui caractérise les projets qui visent à rendre la ville plus intelligente, c’est que tout le monde y est gagnant. Les élus, on l’a vu, mais aussi le citoyen, qui voit sa qualité de vie améliorée, et les entreprises. Pour elles, les villes intelligentes sont synonymes de nouveaux services et d’opportunités à exploiter, par exemple avec l’émergence des technologies Big Data et des objets connectés qui permettent de collecter, traiter et analyser ces milliards de données que remonte la ville connectée.
Vous avez évoqué la mobilité et l’énergie…Est-ce que les smart cities concernent d’autres domaines ?
Bien sûr, le champ des possibles est considérable. Le numérique rend la vie de la cité plus participative. Des initiatives comme le co-voiturage ou la consommation coopérative proviennent d’habitants voulant améliorer la vie urbaine. Jusqu’à maintenant, la ville créait des services qu’elle mettait à disposition de ses habitants. L’ère numérique vient bousculer ce modèle et permet à tout un chacun de proposer de nouveaux usages, dans une logique d’innovation « bottom-up » au service de la ville. On commence ainsi à entendre parler de Wiki City.
Cette participation peut aussi se retrouver dans les modes de gouvernance de la ville. Par exemple, dans certains pays, les administrés peuvent choisir comment sera affecté une partie du budget municipal, voire soutenir financièrement grâce au crowdfunding des projets ou des usages au service de tous.
C’est donc plus de démocratie ?
Je dirais que c’est avant tout plus de collaboration entre tous les acteurs qui composent la ville, rendue possible grâce aux nouvelles technologies. Avec la multiplication des capteurs et objets connectés et le développement de l’open data, rendre la ville plus intelligente devient un processus d’innovation ouvert où élus, entreprises, start-up, habitants peuvent créer de nouveaux services ou de nouvelles formes de collaboration. Certaines villes comme New York ou San Francisco ont créé un poste de Chief Digital Officer dont la mission est de favoriser les projets autour de ce type de nouveaux services, notamment en s’appuyant sur des starts up.
Mais on voit aussi poindre des risques dont il faudra tenir compte. Prenez par exemple le domaine de la sécurité. Aux Etats-Unis, des villes comme Los Angeles répertorient grâce à leurs nombreuses caméras le lieu et l’heure des délits et utilisent ces données pour optimiser le déploiement de la police. Dans une ville ultra-connectée, on peut imaginer facilement les dérives de la présence de ces capteurs omniprésents. Nous n’en sommes pas là, mais avec ce type de solution, l’équilibre entre le maintien de la sécurité et la protection des libertés individuelles pourrait s’avérer fragile."
Florent Stetten-Pigasse, La ville intelligente (smart city) : du rêve à la réalité, une vidéo Xerfi Canal TV
Publié le lundi 19 janvier 2015 . 4 min. 52
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