Médicament : la perte inquiétante de souveraineté sanitaire de la France

La pandémie avait marqué l’opinion publique par ces nombreuses ruptures d’approvisionnement, notamment dans le domaine de la santé. Malgré une ambition de renforcer la souveraineté sanitaire de la France, les pénuries s’accentuent depuis plusieurs années :
- 405 tensions ou ruptures d’approvisionnements sur des médicaments essentiels en 2016
- Contre 2446 en 2020

Cette situation n’est pas propre à la France, même si son indépendance en matière sanitaire s’est réduite ces dernières années :
- Passage de la 1ère place de producteur pharmaceutique en Europe à la 5ème derrière la Suisse, l’Italie, l’Allemagne et le Royaume-Uni
- La France est considérée en retard dans de nombreux domaines, en particulier celui des biomédicaments
- Une perte d’efficacité en matière de R&D

En réaction aux ruptures connus durant la pandémie, des investissements ont été annoncés pour renforcer l’autonomie :
- 7,5 milliards d’euros d’investissement jusqu’en 2030 dans le cadre du plan Santé
- 150 millions d’euros pour soutenir une centaine de projets industriels dans le cadre de France Relance
Cela s’est traduit par quelques annonces de relocalisation avec par exemple :
- Seqens sur la production du principe actif du paracétamol
- Pierre Fabre sur la production du principe actif de l'anticancéreux Binimetinib

Malgré cela la France tarde à produire la liste des molécules dont la production est prioritaire alors que l’enjeu est est de relocaliser la production de principes actifs qui est aujourd’hui largement dominée par l’Asie :
- 56% des principes actifs sont produits en Asie
- 80 % des principes actifs des médicaments passés dans le domaine public sont produits en Inde et en Chine

Or, la production de principes actifs est :
- L’étape cruciale dans la production de médicaments,
- Mais également l’étape la plus contraignante et polluante

Les étapes de formulation et de conditionnement sont plus facilement réalisées en France, rendant une majorité des acteurs dépendants des importations en principes actifs.

Cette situation s’explique par :
- Les coûts de production,
- Les normes environnementales européennes exigeantes, ayant conduits certains acteurs à localiser la production des principes actifs dans des territoires moins scrupuleux sur le plan environnemental
- Le désintérêt des laboratoires pour la phase de production, réputée moins rémunératrice avec un processus de cession de nombreuses unités de production à des façonniers

La question du prix est souvent mise en avant pour expliquer la difficulté à relocaliser, d’autant que de nombreux sous-traitants sont positionnés sur la fabrication de génériques bon marché.

La baisse annuelle des prix imposés pour limiter les dépenses de l’assurance maladie entraîne une pression sur les coûts de fabrication et poussent certains acteurs à servir d’autres marchés avant de servir le marché français.

Dans le PLFSS de 2022, il a été prévu :
- D’accorder un critère de reconnaissance dans les prix aux médicaments fabriqués en France ou en Europe
- Ce critère n’est néanmoins pas encore appliqué,
- Et il se limitera aux nouvelles productions

Dès lors, des mesures sont à prendre pour renforcer les capacités de production française :
Dès lors, on peut se demander comment renforcer la souveraineté sanitaire de la France.
- Avoir une liste arrêtée des molécules à produire en priorité en France et au sein de l’Union européenne
- Garantir la transparence de la chaîne du médicament comme l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament ce qui plaide pour :
o Avoir une traçabilité sur l’ensemble de la chaîne de valeur
o Rendre le prix du médicament plus transparent
- Intégrer dans les critères de fixation du prix des éléments tels que la dépendance, la sécurité d’approvisionnement ou l’impact environnemental des productions
- Revoir les mécanismes de répartition de la valeur entre les différents acteurs de la chaîne de valeur
- Développer des productions publiques ou en coopératives

A travers la question de la souveraineté sanitaire doit se poser la question du prix collectif de notre indépendance.