Depuis 2020, les appels à relocaliser des productions en France se multiplient, rompant ainsi avec les discours promouvant les bienfaits d’une économie sans usine et niant l’importance du lien entre lieu de production et de lieu d’innovation.
Si certains ont été tentés de penser qu’il s’agissait d’un effet de mode lié à la pandémie, la guerre en Ukraine est venue rappeler la nécessité de reproduire en France, ou au moins en Europe, un certain nombre de biens critiques au quotidien pour se nourrir, se soigner et se déplacer.
La crise climatique pousse également à rapprocher lieu de production et lieu de consommation, mais aussi à se questionner sur nos modes de production et à rompre avec l’ère dite de « consommation de masse ».
Si le mot « relocalisation » est devenue courant dans le débat public, il convient de l’expliciter :
El Mouhoub Mouhoud en donne deux définitions :
- Au sens strict : il s’agit du retour dans le pays d’origine d’unités de production, d’assemblage ou de montage qui ont été délocalisées dans des pays à faibles coût salariaux.
- Au sens large : il s’agit du rapatriement des unités d’assemblage à proximité des marchés ou le ralentissement des mouvements de délocalisations dans des secteurs soumis à la concurrence des pays à bas salaires.
Cette définition laisse à penser que les productions reviendraient exactement comme elles sont parties, mais les relocalisations se font généralement avec l’appui d’une automatisation plus poussée au sein d’unités de production plus compactes et génèrent moins d’emplois que les unités précédentes. Si bien qu’il est une erreur d’opposer relocalisation et réindustrialisation et donc nécessaire de considérer le problème plus largement.
Jusqu’au début de la pandémie, les relocalisations étaient très rares, malgré de nombreuses aides à la relocalisation : crédit d’impôt en 2005, prime à la relocalisation en 2008, aide à la réindustrialisation en 2013 … Malgré tout, quelques retours emblématiques ont marqué l’opinion publique comme les skis Rossignol et les thés Kusmi Tea.
Sous l’effet du plan de relance, les annonces de relocalisations se multiplient dans des domaines très divers : agroalimentaire, habillement, électronique, etc. La question de la relocalisation de productions lourdes comme celle de magnésium sur le territoire devrait également se poser dans le contexte actuel.
Différentes motivations peuvent expliquer cette volonté de relocaliser :
- Sécuriser les approvisionnements,
- Meilleure maîtrise du TCO,
- Réduction des coûts cachés et meilleure maîtrise des délais de production,
- Réponse aux évolutions de la demande.
Mais d’autres entreprises font également le choix de venir localiser leur production en France alors qu’elles ne produisaient alors qu’à l’étranger pour le marché français c’est le cas par exemple avec Lunii, la boîte à histoire depuis la Chine et Le Matelas 365 depuis l’Espagne.
Le choix de localisation n’est pas une décision technique, mais bien une décision stratégique de l’entreprise et de ses dirigeants. Certaines entreprises souhaitent ainsi s’intégrer dans une démarche de circuits courts et/ou d’économie circulaire.
De quoi s’agit-il ? De l’approvisionnement aux déchets, les flux sont organisés en boucle en s’appuyant sur des principes de réutilisation, de recyclage et de réemploi pour allonger la durée de vie des produits.
Les circuits courts favorisent l’organisation directe des échanges en réduisant le nombre d’intermédiaires dans la chaîne de valeur.
Reposant sur une production locale, répondant à des besoins locaux, cette approche représente un changement de paradigme dans l’industrie.
Cette logique de circuits courts suppose un maillage territorial de petites unités de production modulaires pour s’adapter à la demande, circonscrites à leur espace de production, et une mutation des modèles économiques pour les mettre au service du bien commun.
En conclusion, la réindustrialisation peut se faire avec différentes logiques industrielles entre des projets de relocalisation avec des unités de production pour produire en masse et d’autres productions pour répondre à des besoins locaux avec des productions en petite série. Dans l’avenir, ces différents modèles seront amenés à cohabiter entre :
- Des usines à vocation continentale comme celles pour produire des semi-conducteurs, surtout dans un contexte de verticalisation et de régionalisation des chaînes de valeur,
- Des usines intermédiaires pour servir un pays ou un groupe de pays ,
- Des petites unités de production modulaires pour répondre à une demande locale.
La clé étant dans tous les cas de recréer des écosystèmes industriels, ancrés dans les territoires, et intégrant pleinement la thématique environnementale dans leur modèle.
N’oublions pas que les relocalisations sont une partie de la renaissance industrielle. S’il est vain de croire que nous allons tout relocaliser en France, ce mouvement devrait s’inscrire dans la durée pour des raisons économiques et surtout écologiques.
Publié le mardi 17 mai 2022 . 5 min. 06
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