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L’Etat détient 50,6 % du capital d’Aéroports de Paris (ADP) et 58,4 % des droits de vote ; il est propriétaire de 72 % de la Française des Jeux (FDJ) ; il détient 34,8 % des droits de vote d’Engie. Comme tout actionnaire d’une entreprise qui fait des profits, la puissance publique a le droit à sa part de dividendes. Ainsi, Engie verse à l’Etat environ 500 millions d’euros à ce titre, ADP autour de 120 – 130 millions et la FDJ de l’ordre de 100 millions. Au total, ces trois entreprises versent donc entre 700 et 800 millions de dividendes par an. Face à ce constat, on ne comprend pas les raisons qui poussent le gouvernement à vouloir se débarrasser de ces trois sociétés.

Le ministère des Finances attend environ 15 milliards de recettes des privatisations. Sur ce montant, 5 milliards serviraient à réduire la dette. Sur un total de plus de 2300 milliards de dette publique, on s’accordera pour souligner que l’enjeu apparaît, de ce point de vue, insignifiant.

Les 10 milliards restants seraient placés et le rendement attendu de 250 millions par an servirait à alimenter un Fonds pour l’innovation de rupture. Il n’y a pas besoin d’avoir fait une école d’ingénieur pour se rendre compte que le raisonnement qui consiste à affirmer la nécessité de se débarrasser d’entreprises qui versent entre 700 et 800 millions d’euros de dividendes par an pour espérer récupérer 250 millions présente comme une anomalie…

De plus, entre la Banque publique d’investissement et les nombreux fonds de la Caisse des dépôts sans même parler des milliards du plan Juncker dont la France est la première bénéficiaire en volume, les entreprises françaises disposent déjà de quoi financer leurs innovations.

Il est donc à craindre que les véritables motivations des privatisations soient ailleurs et, somme toute, aussi banales que ploutocratiques : remplir les poches de quelques entrepreneurs privés amis. Cela tient à la façon même dont les privatisations sont organisées, reproduisant ce qui s’est passé pour les sociétés d’autoroutes.

Prenons l’exemple d’ADP. Les investisseurs privés qui seraient amenés à acheter les parts de l’Etat, au premier rang desquels on trouve Vinci qui détient déjà 8 % du capital et a l’habitude de profiter de ce genre de dossier après être devenu propriétaire d’une partie du réseau autoroutier, vont devoir dépenser entre 8 et 9 milliards d’euros. Le premier souci de ces investisseurs est alors de dégager le plus vite possible de quoi rembourser l’investissement initial pour empocher le maximum les années suivantes. Cela signifie une hausse possible des prix des redevances, la vente de nouveaux créneaux aux compagnies, un risque de dégradation de la qualité de services, etc. Tout cela d’autant plus qu’ADP est en position de monopole qui, de public deviendra privé. 86 % des aéroports dans le monde sont publics et dans les six meilleurs en termes de qualité de services, cinq sont publics !

L’entreprise est devenue en 2018 le premier exploitant mondial d’aéroports. Les perspectives de développement du transport aérien sont supérieures aux capacités d’offre, ce qui permet de prévoir de grosses plus-values à venir. D’autant plus qu’ADP dispose d’un terrain considérable, sans équivalent en Europe, qui lui offre d’importantes capacités de développement.

Le gouvernement répond qu’il imposera au repreneur un cahier des charges drastique en termes d’investissement, de maîtrise des prix, de qualité du service, etc. Pourquoi, s’il y a tant de craintes, ne pas exercer son rôle d’actionnaire pour favoriser ces évolutions !

Enfin, le gouvernement envisage que l’Etat récupère ADP après en avoir concédé l’exploitation pendant 70 ans. Et quand on dit « récupérer », cela signifie racheter les actifs. Pour la journaliste de Mediapart Martine Orange, « le risque est que l’Etat doive débourser des sommes gigantesques à la fin de la concession. Comme il est toujours impécunieux, il y a de fortes chances qu’il reconduise la concession plutôt que de la racheter. Sans le dire, c’est une concession à perpétuité pour le privé qui risque de se mettre en place ».
 
Pour la FDJ, l’opération est légèrement différente mais les risques tout aussi importants. L’entreprise est le quatrième opérateur mondial du secteur et le deuxième européen derrière l’Italie. La première étape consisterait à la faire coter en Bourse. Histoire de développer l’actionnariat « populaire » et de noyer un peu les potentiels repreneurs dans un plus vaste ensemble. Selon Bercy, la société pourrait être valorisée autour de 3 milliards d’euros. L’Etat passerait de 72 % à 25 ou 35 % du capital et, en application de la règle des droits de vote double, resterait majoritaire.

Le maintien d’un droit de regard important de l’Etat est nécessaire : les jeux d’argent posent des problèmes particuliers en termes de blanchiment, de risques d’addiction des joueurs, de fraude et pour les mineurs. Le problème provient alors du fait que les investisseurs ne seront intéressés que si les perspectives de profits sont croissantes.

Deux voies sont offertes au gouvernement pour les rassurer : augmenter le taux de retour aux joueurs pour les inciter à miser plus, avec des risques accrus d’addiction, ou bien réduire les prélèvements fiscaux sur les mises, accroissant les bénéfices et poussant à la hausse le cours de l’action mais au prix de recettes fiscales moindres pour l’Etat.

Le risque est celui d’une privatisation qui démarre doucement, avec un contrôle maintenu de l’Etat sur les règles et les recettes, avant que ce gouvernement ou un autre réduise les prélèvements, permettant aux investisseurs privés de réaliser de grosses plus-values.

Enfin, on oublie de souligner qu’à la suppression de la loi imposant à l’Etat de contrôler au moins un tiers d’Engie, la loi PACTE ajoute la possibilité d’ouvrir le capital de GRT-Gaz, le gestionnaire du réseau de transport de gaz. C’est ainsi toute l’infrastructure de distribution de gaz en France qui passerait au privé. Quand la même chose s’est produite pour la distribution d’eau, les investissements se sont réduits en même temps que les prix ont augmenté.

Difficile de trouver de bonnes raisons à ces trois privatisations. Il n’en reste en définitive plus qu’une : distribuer des sources de profits au privé en étant guidé, au mieux par des œillères idéologiques libérales, au pire par le souhait qu’ils sauront renvoyer l’ascenseur lorsque cela sera nécessaire. Dans les deux cas, ce serait pour de mauvaises raisons.


Publié le lundi 1 avril 2019 . 6 min. 52

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