Pour expliquer aux étudiants la différence entre la moyenne et la médiane (c’est-à-dire la valeur qui partage une population en deux partie égales, 50% au-dessus et 50% au-dessous), on donne souvent l’exemple d’Elon Musk qui entre dans un pub fréquenté uniquement par des ouvriers. La médiane des revenus change fort peu (une personne en plus ne fait presque pas de différence sur le partage 50/50), mais la moyenne varie très fortement, passant d’un revenu ouvrier de base à une valeur astronomique en comparaison.
Le même biais se produit quand on admet que « les riches » doivent contribuer proportionnellement plus à la lutte contre le réchauffement climatique et qu’on définit les riches en s’appuyant sur un rapport sur les inégalités mondiales estimant qu’on est riche à partir de 3178 euros par mois.
Voilà de quoi faire frémir tous ceux qui dépassent ce seuil fatidique ne fut-ce que d’un euro et dont on peut parier qu’ils ne se considèrent pas ultra-riches.
Il tombe sous le sens commun que la question de savoir s’il faut interdire les jets privés compte tenu de leur impact sur les émissions de carbone ne concerne pas la plupart de ceux qui dépassent cette moyenne fatidique de 3178 euros par mois.
Confondre les deux, ceux qui ont des jets privés (et s’en servent très souvent) et ceux qui ne peuvent pas en louer un, ne serait-ce que pour un petit voyage, c’est répondre non à la question de l’interdiction de ces jets. Et donc refuser une politique de redistribution ambitieuse, taxant très fortement les ultra-riches et très peu, voire pas du tout les plus pauvres.
Pourtant, comme Thomas Piketty, qui a une certaine expertise de la répartition des richesses, nous en avertit dans sa chronique du 5 novembre 2022 dans Le Monde, « il est impossible de lutter sérieusement contre le réchauffement climatique sans une redistribution profonde des richesses à l’intérieur des pays comme à l’échelle internationale ». Et il ajoute que « ceux qui prétendent que la redistribution est certes souhaitable, sympathique, mais malheureusement impossible techniquement ou politiquement », nous mentent.
Les richesses sont tellement concentrées au sommet, explique-t-il, qu’il est « possible d’améliorer les conditions de vie de l’immense majorité de la population tout en luttant contre le changement climatique, pour peu que l’on se donne les moyens d’une redistribution ambitieuse ». Et si les modes de vie de chacun doivent évidemment changer « il est possible de compenser les classes populaires et moyennes pour ces changements ».
Car les faits et les chiffres sont têtus. Le rapport mondial sur les inégalités ne dit pas seulement que l’on est riche à partir de 3718 euros par mois. Il nous dit aussi que les 0,1% les plus riches, et là on est bien chez les ultras-riches, détiennent quelque 80 000 milliards d’euros de capitaux financiers et immobiliers, soit une année de PIB mondial. En Europe, la part des 10% les plus riches représente 61% du patrimoine total contre 4% pour les 50 % les plus pauvres. En France, les 500 plus grandes fortunes se sont accrues entre 2010 et 2022 de 800 milliards, passantde 200 à 1 000 milliards d’euros. Et elles n’ont payé que 40 milliards d’impôts sur le revenu, alors qu’une imposition exceptionnelle de 50% sur cet enrichissement rapporterait 400 milliards d’euros à l’État. De quoi bien préparer cette transition écologique qui tarde tant à venir et sortir de la caricature consistant à mélanger les ultra-riches et les ménages à 3718 euros par mois.
Publié le jeudi 2 mars 2023 . 3 min. 47
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