Mais comment font les banques de détail pour survivre dans un univers de taux zéro ou négatifs, et alors même que les marchés d’actifs plafonnent. Sur le papier, c’est le cœur de réacteur de leur business modèle qui est à l’agonie : la marge d’intermédiation, entre des dépôts à vue qui ne leur coûtent rien et les revenus d’intérêt sur leur activité de prêt. Or, tout indique que les banques françaises ont traversé ce long tunnel de dépression tendancielle des rendements sans que leur rentabilité soit profondément altérée. Est-ce le fait d’artifices comptables dont il faut se méfier et qui recouvriraient une situation délétère ou le résultat d’une véritable adaptation à un contexte dont tout laisse penser qu’il va durer ?
Jusqu’ici, les banques françaises ont réussi à amortir le choc en jouant sur plusieurs tableaux. Clairement elles ont fait feu de tout bois :
Au premier chef, de manière étonnante, elles ont réussi jusqu’ici à préserver peu ou prou leur marge d’intermédiation, même si cette dernière a subi une lente érosion. Le résultat est en soi remarquable au regard de la décrue inexorable des taux sur les crédits aux ménages, aux entreprises ou sur les obligations d’État. Ce résultat est le fruit de plusieurs ajustements : elles ont d’une part réduit les taux servis sur les comptes d’épargne et les comptes à terme de leurs clients. Et au-delà de cet ajustement, elles ont bénéficié des possibilités de refinancement élargies à taux zéro auprès de la BCE. Mais dans un contexte où les taux de crédit se rapprochent dangereusement de zéro, il est clair que cet apport marginal des banques centrales perd en efficacité. De surcroît, la BCE, pour inciter les banques à activer leurs encaisses oisives, leur a servi des taux négatifs sur leurs dépôts, élément qui rogne sur leur rentabilité.
Hausse des volumes de crédit
Sur la dernière période, les banques ont pu également compenser partiellement l’écrasement de leur marge d’intermédiation par une hausse des volumes de crédit. Mais, normes prudentielles obligent, le cycle de crédit n’a pas eu l’ampleur des envolées des précédent cycles. Et cet effet volume ne peut compenser à lui seul l’ampleur de la décrue des rendements.
Elles ont pu jouer aussi sur la recomposition des crédits vers les segments plus rémunérateurs en France ou à l’international. Mais là encore, les normes de Bâle, ont considérablement contenu l’exposition sur les segments plus rémunérateurs, notamment du côté des entreprises, par nature plus risqués.
Autre bouffée d’oxygène, la tarification des services (collecte de l’assurance-vie, gestion de compte, renégociation de prêts). Mais ces dernières ont subi un plafonnement par voie réglementaire et été soumise à des contraintes de transparence, qui limitent les possibilités de rattrapage sur cette catégorie de revenus. Sans parler de l’intensification de la concurrence avec la banque en ligne.
Diversification des activités
Et c’est finalement la diversification des activités et notamment leur redéploiement vers les activités d’investissement, de gestion d’actif et d’assurance qui ont le plus largement contribué à générer du revenu. C’est la composante la plus dynamique du produit net bancaire depuis 10 ans. Les banques, ont de la sorte, à travers leurs participations, pris un intéressement sur la dynamique des fonds de gestion, à l’instar du crédit agricole qui détient 70% d’Amundi, 9ème plus grand fonds de gestion au monde, avec 1425 milliards d’actifs sous gestion en 2018. Mais cette source de revenu les expose à un risque de volatilité de marché, particulièrement aigu en phase de retournement conjoncturel.
Dans ce contexte, le nouveau décrochage des taux longs sans risque de plus de 1 point depuis le début de l’année, et leur installation en zone négative, crée un stress considérable sur la rentabilité bancaire. Alors même que la récession qui se dessine accroît le risque de dépréciation des actifs sous gestion. Cet environnement rouvre le débat sur la pratique de taux négatifs sur les dépôts et la possibilité pour la BCE de franchir le seuil symbolique des taux zéro concernant ses opérations de refinancement. Mais il place surtout en première ligne, la dernière carte que peuvent jouer les banques pour préserver leur rentabilité : la réduction de leurs coûts opérationnels. Elles avaient pu jouer jusqu’ici cette carte graduellement, rognant leurs effectifs d’année en année. Les annonces récentes concernant la société générale, BNP notamment, montrent que l’on passe à la vitesse supérieure. Et les séismes concernant l’emploi de la Deutsch bank, la Commerzbank HSBC, laissent augurer de jours sombres pour un secteur proche de l’embolie industrielle.
Publié le mercredi 09 octobre 2019 . 5 min. 13
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