Le processus de baisse des taux, même s’il sera lent, fait entrer la finance dans une nouvelle séquence. Les arbitrages qui en découlent du point de vue de la gestion de portefeuille créent de nouveaux engouements. Et dans cette phase de transition, l’obligataire d’entreprise sera le grand gagnant. Les conseillers en gestion patrimoniale l’ont bien saisi. C’est un processus à infusion lente. Qui réhabilite aussi peu à peu certains supports diversifiés délaissés pour leur trop faible rendement.
Les avantages de l'obligataire d'entreprise
Pourquoi l’obligataire d’entreprise ? Pour deux raisons simples. D’abord parce que c’est là que se situent aujourd’hui les plus hauts rendements sur un horizon long pour ceux qui jouent les taux et la sécurité. Et que c’est la dernière fenêtre de tir pour charger les portefeuilles des produits qui garantissent un rendement élevé dans la durée, portés par des grands émetteurs privés aux reins solides. L’inflation ne repassera peut-être pas deux fois. Ensuite, pour ceux qui se placent dans une perspective de gestion plus active de leur portefeuille, le processus de reflux des taux se traduit automatiquement par des plus-values en cas de cession des titres. C’est un mécanisme bien connu. Pour un coupon fixe, l’exigence de rendements moins élevés permet de céder les titres obligataires à une valeur de marché plus élevée que la valeur faciale d’acquisition. Les cours obligataires évoluent donc à contre-courant des taux d’intérêt. C’est un jeu réservé en général aux spécialistes de marché, mais dont bénéficient tous ceux, ménages comme entreprises, qui détiennent des produits supervisés par des gestionnaires.
Un risque de forte volatilité autour des actions
Les actions pourraient engranger certes les mêmes effets favorables de la baisse des taux. À cela près que ces dernières ont déjà largement anticipé le mouvement. Leur prix incorpore déjà, et sans doute à l’excès, l’optimisme des marchés sur le mouvement de décru des taux. La phase d’incertitude qui s’ouvre sur la profitabilité crée de surcroît un risque fort de volatilité.
Ce contexte offre une séquence plus favorable aux supports diversifiés dont les rendements ont été plombés par la longue séquence des taux zéro des titres sans risque, sur lesquels ils étaient coincés, exposés à des moins-values. Ce sont les Sicav monétaires qui sont d’abord revenues en grâce. Composées à base de produits courts ou proche de leur échéance, ce sont elles qui ont saisi rapidement les opportunités de la montée des taux courts. Mais la décrue à venir des taux monétaires va éroder leur attrait. Idem pour l’épargne réglementée.
Viscosité des taux longs : des conséquences positives pour les marchés de titres de créances
Dans la séquence qui s’ouvre, les marchés de titres de créances à long terme vont bénéficier de la viscosité des taux longs. Ces derniers n’ont intégré par le passé que partiellement et lentement le régime de taux zéro, comme par la suite la séquence de remontée des taux. Aux États-Unis comme en Europe. Et l’on peut considérer que les niveaux de taux actuels seront persistants. Ils ne reflueront que lentement et partiellement, validant le fait que la politique monétaire s’est extraite de la trappe des taux zéro. La liquidité va se déporter sur d’autres supports. Ce sont maintenant les OPC non monétaires qui gagnent en attrait. Ces produits se rechargent peu à peu en titres de créances sur les entreprises ou sur l’État qui renforcent graduellement leur attrait et solidité. Les professionnels opèrent maintenant un recentrage sur ce que l’on appelle l’Investment grade, c’est-à-dire les obligations les mieux notées de (AAA à BBB-), à niveau de risque faible. Idem pour l’Assurance vie en euro ou les produits d’épargne salariale ou retraite. Et les taux longs ayant franchi leur climax, ces produits diversifiés peuvent espérer engranger des plus-values susceptibles de rehausser leur rendement.
L’effet stabilisateur des taux longs élevés pour la finance
Cinq conséquences au-delà de ce constat :
1. On assiste à une normalisation, un rééquilibrage de la structure des portefeuilles, l’élargissement des opportunités de diversification diminuant le risque porté par les épargnants.
2. Dans le prolongement de ce constat, le High yield, c’est-à-dire les obligations les moins bien notées à haut rendement, les actions ou le private equity, avec les risques que cela comporte, ne sont plus la seule issue pour les gestionnaires en quête de rendement.
3. Cette opportunité du côté obligataire, tempère le risque d’emballement spéculatif sur la Bourse.
4. Les effets diffus de cette recomposition, solidifieront le cœur de métier de la banque assurance, dès lors que la courbe des taux se sera inversée et que le coût des ressources liquides pèsera moins sur leurs résultats.
5. Enfin, cette séquence facilite le financement des grands comptes.
Bref, si la persistance des taux longs élevés n’est pas une bonne nouvelle côté entreprises, elle est en revanche plutôt stabilisatrice pour la finance, si cette dernière ne commet pas l’erreur de s’engouffrer sur une fièvre spéculative côté actions.
Publié le lundi 12 février 2024 . 5 min. 13
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