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On s’interroge sur la santé physique et mentale des deux candidats à la présidence des États-Unis. Ne faudrait-il pas le faire pour tous les dirigeants ?

« Quarante ans, c’est la vieillesse de la jeunesse, mais cinquante ans, c’est la jeunesse de la vieillesse » disait Victor Hugo à une époque où l’espérance de vie à la naissance était encore à peine au-dessus de 40 ans.

Deux candidats se disputent la présidence des États-Unis. L’un a 81 ans et l’autre 77. Qu’aurait dit de ces âges notre génie national, mort à 83 ans ? L’octogénaire est-il à la jeunesse du grand âge, ou à la vieillesse de la vieillesse ? Ou encore à l’âge, enfin, de la sagesse ?

Dans une société vieillissante ces questions de santé mentale et physique vont devenir de plus en plus centrales à tout débat public. On les rejettera le plus longtemps possible comme on vient de le faire à l’échelle européenne pour refuser un examen d’aptitude lié au permis de conduire.

Et il ne faudrait pas seulement s’interroger sur la question d’un hypothétique lien entre l’âge et la santé mentale. On peut être en difficulté mentale à tout âge ! Si la santé physique présente quelques problèmes évidents, comme des absences répétées ou un risque élevé de mort, la santé mentale en présente probablement bien plus. C’est d’autant plus inquiétant quand des personnalités fortes, habituées à convaincre, manipulatrices, dissimulatrices, voire harceleuses, se basant sur des intuitions périmées et au jugement altéré, ne sachant pas écouter, ne voyant plus la réalité, ayant plongé dans l’hubris, victimes de paranoïa plus ou moins perceptible, etc., sont à la tête de certaines organisations.
 
Ces déformations psychologiques sont d’autant plus dangereuses qu’elles se développent souvent de manière insidieuse, au fil du temps, quasiment invisible aux autres ou sur lesquelles les proches font un déni. Les risques sont grands pour l’entreprise et pour la société.

Prenons-nous assez de précautions en recrutant les dirigeants ? Les contrôlons-nous assez pendant leurs mandats ? La question se pose tout d’abord pour les membres des conseils d’administration mais aussi partout dans les chaines de commande.

Il faudrait un audit de la santé mentale des dirigeants comme il y a un audit des comptes. Il devrait aussi concerner le CA et le COMEX. Il devrait surveiller au minimum les risques d’hubris, du hors sol, de biais personnels et potentiellement délétères, de paranoïa et bien sûr d’aveuglement éthique.

Certes, cet audit serait plus complexe que la simple visite médicale, et pourrait être sujet à interprétations diverses, on le voit bien dans les tribunaux quand la santé mentale d’un accusé est discutée. Mais il ne serait pas impossible, nos savants ont tous les outils nécessaires.

Cet audit aurait aussi une autre valeur, paradoxale par rapport à ce propos : celle de voir jusqu’où une « différence » avec les standards pourrait être un avantage compétitif pour l’entreprise. Un grain de folie chez les artistes peut les aider à laisser leur art s’exprimer. Une différence chez un dirigeant peut être vue comme utile. Jusqu’où on pourrait-on, ou devrait-on, la tolérer, la pardonner, voire l’encourager ? Un ego surdimensionné peut agir pour le meilleur et pour le pire.

Comme toujours en art, et le management est un art, un arbitrage peut être nécessaire, à tout moment. Mais comprendre qu’il devrait y avoir un arbitrage serait déjà un pas en avant, notamment pour les conseils d’administration.

La santé mentale des dirigeants est plus souvent un risque qu’une opportunité, admettons-le. La mesurer, la contrôler ne serait pas plus aberrant que d’auditer les pratiques comptables et RSE de l’entreprise.


Publié le jeudi 18 avril 2024 . 3 min. 50

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