Nous sommes en 2035, la société que vous utilisez pour faire le pré screening d’une candidate, Madame Marquise, vous fait le rapport suivant. Allez-vous la recruter ?
Rapport :
La candidate a 32 ans. Elle a fait de brillantes études avec un double diplôme X-HEC. Son CV a été vérifié et est exact.
Tout d’abord son profil social
Sa note sociale est neutre, car elle est peu active sur les réseaux sociaux. Cela en est presque négatif car on se demande si par hasard elle ne voudrait pas cacher quelque chose. Son activité de jeunesse, dans les années 2020, était plutôt dynamique, avec un certain activisme politique. Elle a aujourd’hui tendance à liker des billets ou des tweets sans en contrôler la provenance, ce qui fait douter de son sens critique.
Une analyse de son profil social (à travers ses achats, ses recherches sur internet, ses voyages, les photos et informations que l’on trouve sur elle sur le réseau, etc.) montre qu’elle souhaite trouver plus de sens dans son travail et sa vie mais ce « sens » n’est pas clair.
Quelques contradictions apparaissent aussi dans son profil social, notamment elle se présente comme sensible à l’écologie mais son bilan carbone est mauvais. Elle voyage beaucoup en avion pour ses loisirs, mange beaucoup de protéines animales et elle a même encore une voiture à essence.
Maintenant son profil biologique
Son ADN laisse apparaître un seul risque majeur, à forte probabilité d’occurrence mais précis et limité. Elle est porteuse d’un gène qui déclenche un cancer du côlon chez la femme vers 45 ans. Cela impliquera un certain temps d’absence et une baisse de son tonus et de son moral pour le temps du traitement, soient environ six mois. Ce traitement sera couteux mais sera pris en charge par la sécurité sociale et donc sera d’une incidence mineure sur la mutuelle de l’entreprise.
Elle a fait congeler ses ovocytes et se montre intéressée par la modification génétique des embryons, il est donc probable qu’elle demandera une aide financière pour cette opération au cours des dix prochaines années quand elle décidera d’avoir un enfant. La brochure de votre entreprise mentionne cette possibilité.
L’analyse génétique comportementale montre une tendance à la réflexion plutôt qu’à l’action, et une forte tendance à être révoltée quand quelque chose lui apparaît comme une injustice. Cette analyse comportementale montre aussi toutefois qu’elle a des qualités appréciées dans le monde de l’entreprise : créativité, empathie, sens éthique élevé, ponctualité.
Fin du rapport
Avant de répondre à la question de savoir si vous souhaitez ou non recruter Madame Marquise, je vous invite à vous poser trois questions.
1 - Vous me direz peut-être que vous ne regarderez pas son ADN ? En êtes-vous sur ? Il n’y a pas si longtemps on demandait aux candidats une analyse graphologique qui était bien moins fiable et tout autant intrusive.
2 - Saurez-vous distinguer dans ce rapport ce qui est une analyse approximative et ce qui est scientifique et fiable ?
3 - La candidate a probablement sur elle-même moins d’information que vous en avez. Cette asymétrie informationnelle est-elle éthiquement acceptable ?
Toutes ces questions, et bien d’autres soulevées par les progrès des sciences, ne sont pas de la science-fiction. Il va falloir se les poser, dans les DRH et ailleurs car les moyens décrits ici arrivent très vite.
Publié le jeudi 18 février 2021 . 3 min. 32
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