La langue française est merveilleuse, on peut dire que le dirigeant n’est pas un honnête homme sans dire s’il est un homme honnête.
Le dirigeant d’aujourd’hui, et surtout celui de demain, peut-il être un honnête homme ? Doit-il l’être ? Et jusqu’où son honnêteté doit-elle aller ?
Les définitions de l’honnête homme sont relativement variées et ont évolué depuis le 16ème siècle mais elles se résument principalement à définir quelqu’un de cultivé, social, présent au monde, curieux et ouvert, équilibré, étant courageux et généreux. « Un honnête homme, c'est un homme mêlé », disait déjà Montaigne. Bien sûr ce n’est qu’un concept…
Le monde qui vient a besoin de dirigeants honnêtes hommes
Alors que le monde, dit-on, semble devenir plus complexe, le besoin de comprendre et d’équilibrer un nombre assez considérable de variables devient une obligation pour tout dirigeant.
Le dirigeant honnête homme de demain devrait être capable de maitriser tout à la fois ses relations à ceux qui exercent une forme d’autorité sur lui (le CA, les actionnaires, les lois), mais aussi de comprendre ce qui s’impose à lui (comme l’éthique, la compréhension du monde, la dimension humaine), sans oublier sa relation à ses compétences, aux responsabilités qui lui incombent et bien sûr enfin sa relation à lui-même, son corps, sa santé physique et mentale, son égo, sa culture.
Tout cela suggère qu’il serait bon de raviver le concept, de le moderniser, de l’appliquer à la sélection et surtout au développement des dirigeants si l’on veut demain des dirigeants en adéquation avec le monde qui vient.
Hypertrophie et atrophie du dirigeant contemporain.
Mais si l’on regarde la grande majorité des dirigeants, on s’aperçoit que certains des aspects de cette honnêteté conceptuelle sont hypertrophiés. Leur nomination et leur rémunération hypertrophient leur égo financier en ne prenant que marginalement en compte leurs performances extrafinancières. Leur carrière passée semble souvent être considérée comme un gage de leur réussite future. Pourtant le monde a changé et rien ne garantit que cette hypothèse soit vérifiée.
D’autres dimensions, elles, sont atrophiées. Leurs performances humaines antérieures sont souvent sous-estimées ; leur ouverture au monde, à l’art, à leur propre culture ne sont même pas vraiment des « nice to have ». Ne parlons pas d’un diagnostic psychologique de leur égo qui pourrait faire apparaître des lacunes ou des risques graves de dérapage. Chacun connait des exemples.
Certes il faudra changer tout cela si l’on veut des dirigeants différents. Est-ce possible au moins de l’envisager ?
L’honnête homme doit aussi ne pas déplaire au souverain
Le concept de l’honnête homme est né avec la bourgeoisie, comme une façon de plaire au roi, au maître, sans être noble. L’honnête homme est aussi celui qui sait plaire car il ne fait pas de vagues. Cette autre réalité de l’honnête homme amène une question : à qui doit-il plaire ? La réponse est évidente, à ses actionnaires et à son conseil d’administration. Un peu, mais vraiment très peu, au public si les réseaux sociaux se mêlent de le juger, aux parties prenantes si ses actions sont par trop outrancières en RSE, à l’État s’il n’est pas assez bon citoyen. Mais ces maitres sont fort secondaires. Les biais dénoncés ci-dessus ne risquent pas de disparaître de sitôt sans changement législatif ou culturel majeur.
Alors quid de l’honnêteté dans ce cadre
Il y a donc bien un lien entre l’honnête homme et l’homme honnête. Car si le dirigeant est droit dans ses bottes personnelles, ce qui arrive, il doit respecter des limites, notamment quant à l’éthique et à la RSE telles qu’il les perçoit lui-même en tant qu’individu. Alors la question pour lui, et pour ceux qui le nomment et l’évaluent, est de savoir jusqu’où la déviance vers l’homme honnête peut-elle être acceptée de l’honnête homme ? L’honnête homme peut-il ne pas être honnête ? Jouer avec l’éthique ? De quelle liberté le dirigeant jouit-il pour s’affirmer comme un homme libre ? Ses autorités peuvent-elles l’encourager ? Cela peut-il changer demain ?
Publié le mardi 10 octobre 2023 . 4 min. 19
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de Dominique Turcq
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