La seule chose qui importe dans l’art est la partie qu’on ne peut expliquer. Ainsi pensait George Braque qui voyait dans la logique impérative des explications rationnelles une forme de soumission à l’intelligible pour ne pas dire une entrave à la liberté de créer.
Il est vrai qu’à force d’objectiver le sensible et de catégoriser l’indicible, nombreux sont ceux qui participent à la construction d’un monde dystopique dans lequel les sciences humaines font un usage immodéré du numérique avec au passage, l’espoir de gagner en respectabilité scientifique. Dans ce monde-là, les raisonnements avancent avec l’aplomb de la précision et l’indifférence du thermomètre.
Les architectes de cette nouvelle société reconnaissent volontiers que toute activité humaine est intrinsèquement complexe, mais ils se refusent d’admettre que celle-ci puisse être imprévisible. Pour eux, nos comportements doivent pouvoir être rigoureusement définis et traités de manière méthodique, statistique et systématique.
Ils ne sont d’ailleurs pas loin de partager avec une certaine ingénierie militaire cette conviction qu’il est possible de « mettre en équation la victoire, la tempête et l'amour » selon la formule d’André Maurois dans Les Silences du colonel Bramble.
Mais voilà, la vie sociale en général et l’action collective en particulier sont des phénomènes infiniment instables et subtils, où les vérités s’apparentent davantage à des hypothèses qu’à des théorèmes. C’est ainsi, l’avènement du déterminisme social assisté par ordinateur ne peut conjurer la part d’imprévisibilité de la nature humaine et de ses interactions sociales.
Alternativement et sans rejeter l’intégralité des possibilités offertes par le numérique, les organisations auraient intérêts à être conçues comme des objets artistiques à condition bien sûr de s’entendre sur le sens du mot « artistique ».
Dans sa forme noble, philosophique, un objet artistique combine harmonieusement « travail et talent » dans l’espoir de sensibiliser un public, de le séduire et d’interpeller son entendement pour mieux lui donner envie.
Dans cette définition de l’artistique on retrouve plusieurs dimensions critiques de la vie organisationnelle. La combinaison harmonieuse du travail et du talent sous-entend une production d’inspiration collective nécessitant des savoirs et des savoir-faire éprouvés susceptibles d’optimiser pour ne pas dire sublimer un résultat.
L’idée de sensibiliser, de séduire et de donner envie à un public est bien en phase avec l’objet même du marketing, de la vente et de la publicité.
Enfin, la volonté d’interpeller l’intelligence des acteurs s’inscrit pleinement dans ce qui, aujourd’hui, apparait comme une prise de conscience collective : celle de donner un sens éthiquement remarquable au travail de chacun en réussissant à conjuguer performance économique avec responsabilité sociale et environnementale.
A l’arrivée, l’intelligence logico-mathématique et les belles mécaniques intellectuelles sont toujours appréciées et nécessaires. Mais elles s’avèrent insuffisantes pour révéler la dimension artistique de l’action collective. Pour cela, il faudra réussir à libérer ce que j’appelle le capital esthétique propre à chaque organisation.
Publié le mardi 25 avril 2023 . 3 min. 51
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