Par définition, les crises se suivent et ne se ressemblent pas mais elles font partie intégrante de l’histoire de l’humanité. Toujours surprenantes et très souvent inéluctables elles sont également terriblement révélatrices de nos faiblesses.
Des crises, il y en a de toute sorte et de toutes les intensités. Mais les plus redoutées sont bien sûr celles qui mettent directement en péril la vie humaine. Et lorsque c’est à l’échèle mondiale, cela devient carrément stupéfiant, à l’instar de la crise provoquée par le Covid19.
Par son ampleur, une telle crise provoque un état de sidération accompagné d’une inquiétude réelle et sérieuse sur la meilleure façon de réagir. Les dirigeants sont comme pris dans un étau. D’un côté, ils sont confrontés à un niveau inhabituel d’ignorance qui rend très vite suspecte toute initiative de leurs part. De l’autre, ils doivent faire face à un besoin légitime et pressant d’explications sur ce qui se passe vraiment, comment s’est arrivé, comment on va s’en sortir, et à quel prix.
Cette double pression contradictoire, produit un sentiment d’anxiété qui s’intensifie à mesure que la cacophonie s’installe entre les experts et que la pression, plus ou moins éclairée des parties prenantes se fait sentir. De la crise sanitaire à la crise de nerfs, il n’y a alors qu’un pas.
Mais comment surmonter dans les meilleures conditions possibles une telle situation ? Peut-on identifier ce que serait une « intelligence de crise » que les décideurs seraient inspirés de mobiliser ?
L’histoire est riche de situations complexes et périlleuses qui ont donné naissance à ce qui allait devenir des grands leaders. Mais que sait-on réellement du mode de raisonnement de Churchill, De Gaule ou Gandhi ? Quelles étaient leurs motivations profondes ? Comment le pouvoir était-il exercé autour d’eux à ce moment-là ? Dans quelle mesure leurs décisions ont-elles été prises en pleine conscience et en toute liberté ? Et même si avions les réponses à toutes ces questions, jusqu’où faudrait-il s’en inspirer ?
En réalité, il vaut mieux être très prudent lorsque l’on prodigue aux dirigeants des recettes génériques destinées à gérer des situations de crise. Plutôt que de traiter la question de façon prescriptive, n’est-il pas plus intéressant de préconiser l’esprit de discernement, c’est-à-dire une capacité à penser et agir de manière rationnelle et cohérente en fonction du contexte tout en faisant bien la différence entre ce sur quoi on a du pouvoir et sur lequel il faut exercer sa volonté et ce sur quoi on n’a pas de pouvoir et qu’il faut accueillir avec sagesse comme le suggère Sénèque ?
L’absence d’esprit de discernement se traduit notamment par un excès de confiance en soi, un engagement intellectuel limité, un irrépressible désir de conclure rapidement, une adhésion excessive à ses croyances et une insensibilité manifeste à l’inconsistance de ses propres jugements.
L’esprit de discernement exige d’avoir conscience de l’ignorance de notre ignorance, c’est-à-dire tout ce qui nous échappe sans le savoir et qui ne doit pas être confondue avec la part d’ignorance dont nous sommes bien conscients.
A cela s’ajoute un talent pédagogique qui va permettre de donner du sens à la crise dans le but d’unifier vers une destinée commune. Cela commence par se rappeler que mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde comme le dit si bien Albert Camus.
Et puis, il est indispensable d’être lucide sur ses propres croyances pour mieux les dépasser et être en capacité d’appréhender dans ses profondeurs la réalité concrète telle qu’elle est vécue par celles et ceux qui subissent la crise.
Enfin, d’une façon ou d’une autre la crise doit servir à jeter les bases d’un monde nouveau auquel une majorité d’individus auront envie d’appartenir. Autrement dit, la crise doit être porteuse de changements en permettant à la société de sortir de son « sommeil dogmatique ».
Comme on le voit, l’esprit de discernement exige de grandes qualités humaines et intellectuelles ce qui fit dire à La Bruyère qu’après les diamants et les perles, ce qu’il y a de plus rare au monde, c’est précisément l’esprit de discernement.
Publié le mardi 28 avril 2020 . 4 min. 30
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