Postures et impostures managériales

Dans le grand magasin du prêt à penser, on propose toute l’année plusieurs collections de postures pour aller au travail. Vous avez ainsi la possibilité de développer une posture de vrai leader pour manager des équipes de toute taille et ce, quelle que soit votre organisation. Vous pouvez également adopter une posture de commercial, de coach, d’administrateur ou de dirigeant de société. Il y en a pour tous les goûts… et tous les prix !

Mais quel est donc cet accessoire en vogue que l’on appelle la posture ? En kinésithérapie la posture est un moyen utilisé pour prévenir ou rattraper une mauvaise position corporelle. Plus couramment la posture est une attitude que l’on cherche à adopter pour donner une image avantageuse de soi en  corrigeant les attitudes incongrues, inappropriées ou déplacées. On peut donc parler de choix tactiques pour faciliter l’adaptation sociale.

Le problème, c’est que la posture correspond très souvent à l’acquisition d’un schéma comportemental imaginé par d’autres. C’est ainsi que la posture ce n’est jamais vraiment soi. C’est plutôt un rôle de composition, une invitation à se fondre dans un moule social idéalisé. Il s’agit en fait d’une approche prescriptive de l’attitude qu’il convient d’avoir pour exercer certaines fonctions ou professions. L’expression de « posture authentique » n’est donc rien d’autre qu’un oxymore.

On voit bien ici combien est ténue la frontière entre posture et imposture. Car au fond, l’imposture est bien une action délibérée de se faire passer pour ce qu'on n'est pas. On s’approche inévitablement de la supercherie, voire de l’escroquerie.
D’un point de vue sémantique, on pourrait presque reprocher aux formateurs, coachs et autres spécialistes de l’humain au travail d’avoir adopté le mot posture pour éviter d’utiliser celui de comédien. 

Comment dès lors expliquer le succès des programmes de formations et d’accompagnements qui vous font la promesse de développer en vous une posture de leader ?

A cette question je réponds volontiers que lorsqu’on ne sait pas bien qui on est, on est ravi qu'une caricature vous prenne en charge. C’est donc l’absence de connaissance fine de soi qui est à l’origine de cet engouement pour devenir ce que l’on aspire à devenir. L’intention est louable mais la démarche est discutable.

Chercher à grandir, à s’améliorer et à progresser est tout à fait respectable et même souhaitable à condition de ne pas confondre inspiration et imitation. Si l’inspiration du talent et du savoir-faire de personnages remarquables est à l’origine de belles et grandes réalisations dans ce monde c’est que la création n’est jamais ex nihilo nihil.

En revanche, on trouve une forme appuyée de suivisme dans l’imitation. Une solution simple en apparence qui permettrait d’économiser l’effort de travailler sérieusement sur soi. Une tendance à idéaliser le modèle que l’on nous propose et à se fixer des objectifs irrespectueux de sa personnalité, de son caractère ou de la situation.

De la même façon que l’habit ne fait pas le moine, la connaissance du leadership ne fait pas le leader pas plus que l’apprentissage de la forme ne garantit le fond. Comme le dit malicieusement Victor Hugo, un lion qui copie un autre lion devient un singe.