Votre culture managériale : gare aux gourous !

« You are what you eat ! », « Nous sommes ce que nous mangeons ! ». dit le proverbe. Par conséquent, « ce que nous mangeons peut nous aider à être beaucoup plus que ce que nous sommes » selon la formule d’Alice Brock, la célèbre restauratrice américaine.

Cela parait une évidence aujourd’hui, notre alimentation impacte sérieusement notre état de santé et à long terme, notre espérance de vie. Et ce qui est valable pour notre corps, l’est aussi pour notre esprit. Ne parle-t-on pas de nourriture intellectuelle ? Alors ce que l’on décide d’écouter, de lire et de regarder pourrait-il nous aider à être beaucoup plus que ce nous sommes déjà ?

En matière de « soft skills » par exemple, comment sélectionner ses sources d’approvisionnement face à l’offre considérable existante ? Livres de management, formations au leadership, webinars dédiés à l’intelligence émotionnelle et conférences sur la prévention des risques psychosociaux, il y en a pour tous les goûts.

Pour vous aider à vous repérer dans cette immense foire aux idées, voici une première grille de lecture inspirée de travaux dirigés par une équipe de chercheurs suédois sur l’expansion mondiale des connaissances en management lesquelles peuvent être décomposées en 3 grandes catégories relativement exclusives l’une de l’autre.

Tout d’abord, et sans doute la moins populaire de toutes est constituée de connaissances scientifiques. Cette catégorie s’adresse surtout à un public d’initiés. Ses auteurs sont majoritairement des chercheurs universitaires soucieux de produire des savoirs « précis », obtenus avec des méthodes rigoureuses, c’est-à-dire valides et fiables ce qui les autorisent à avancer des arguments de portée « générale ». C’est le cas notamment de la sociologue Aurélie Jeantet et ses travaux sur la construction sociale des émotions au travail.

La seconde catégorie regroupe des connaissances essentiellement professionnelles qui s’adressent prioritairement à un public de managers. Leurs concepteurs peuvent être d’anciens dirigeants, des responsables expérimentés ou des consultants désireux de partager ce qu’ils considèrent comme les meilleurs pratiques à mettre en œuvre. Le savoir produit se veut « précis », c’est-à-dire spécifique et opérationnel. Il s’efforce également d’être « simple », à la portée de tous. C’est le cas par exemple des ouvrages de la collection La boite à outils chez Dunod dont la mission éditoriale est d’offrir à ses lecteurs des « outils concrets » et « applicables tout de suite ».

La troisième catégorie regroupe des connaissances de nature mystique. Même s’ils s’en défendent parfois, les promoteurs de ce type de connaissances sont comparables à des gourous assumant les rôles de guides spirituels et de mentors. Leurs propos séduisants et impactants font un usage immodéré de raisonnements et de schémas relativement « simples », compréhensibles de tous, leur permettant de « généraliser », pour ne pas dire d’évangéliser un large public. Une des figures proéminentes de cette catégorie est l’américano-britannique Simon Sinek et son bestseller « Commencer par pourquoi » ou « Comment les grands leaders nous inspirent à passer à l'action ».

A l’arrivée, lorsque nous sommes confrontés à de la connaissance managériale, on peut se demander de quelle nature est celle-ci : scientifique, professionnelle ou mystique ? Objectivement, elles ont toutes des avantages et des inconvénients mais il est préférable d’en avoir conscience car si vous ne choisissez pas votre nourriture intellectuelle, vous vous comporterez comme un animal d’élevage qui ingère à peu près tout ce qu’on lui propose et qui passe à sa portée.