Vous avez certainement déjà entendu dire qu’une innovation doit nécessairement être radicale, qu’elle doit toujours rompre avec l’existant, qu’elle doit créer une véritable disruption, et que ce n’est qu’à cette condition que l’innovateur pourra connaître un succès éclatant. Ce type d’affirmations s’appuie généralement sur des exemples d’innovations considérées comme des révolutions, à l’image de l’iPhone d’Apple. L’innovateur est présenté comme un génie en avance sur son temps, qui n’hésite pas à faire table rase du passé pour imposer sa vision novatrice.
La rupture, une doctrine fragile
Or, cette doctrine de la radicalité se heurte à un problème majeur : dans leur grande majorité, les clients – qu’il s’agisse de particuliers ou d’entreprises – ont horreur des révolutions. Imaginez que vous ayez investi dans une technologie que vous avez patiemment appris à maîtriser et qui s’inscrit désormais dans votre quotidien. Vous n’attendez certainement pas qu’on la remplace brutalement par quelque chose de significativement différent. En revanche, une amélioration sera toujours la bienvenue. De fait, pour mieux faire accepter leurs idées nouvelles, bien des innovateurs s’inspirent de l’existant plutôt que de lui tourner le dos, et beaucoup d’innovations réussies masquent les ruptures en continuités.
Regardez par exemple les appareils photos numériques, dont l’aspect général est extrêmement inspiré de celui des appareils photos argentiques. Les constructeurs ont même pris soin de reproduire artificiellement le bruit du déclencheur, afin de réduire l’effet de nouveauté. Un autre exemple est la boîte de DVD, beaucoup trop haute par rapport à la taille du disque qu’elle contient, mais dont la taille est identique à celle des boîtes de cassettes VHS, afin de bien faire comprendre au client qu’il s’agit bien de vidéo, et non d’audio ou de données. Il en est de même pour la montre à quartz, qui a commencé à connaître le succès une fois qu’elle a troqué son écran pour de classiques aiguilles, ou des logiciels de lecture de magazines sur tablette, sur lesquels on a reproduit le mouvement et le bruit des pages qui se tournent. Dans tous ces différents cas, une nouvelle technologie a été présentée avec l’apparence de celle qu’elle remplaçait, de manière à gagner l’adhésion des clients.
Rendre l’innovation compatible avec l’existant
Pour rassurer vos clients, une autre solution consiste à souligner que l’innovation est compatible avec l’existant. C’est ainsi, par exemple, que les télécommandes d’ouverture de portières de voiture, qui sont des clés électroniques, incluent toutes une clé physique, dans laquelle le client a spontanément beaucoup plus confiance. Même l’iPhone a été présenté par Steve Jobs comme un iPod doté d’un écran tactile, et compatible avec tous les achats déjà effectués sur iTunes.
Par conséquent, si vous voulez réussir une innovation, méfiez-vous de la rhétorique révolutionnaire, qui peut effrayer vos actionnaires tout autant que vos clients. Inscrivez-vous plutôt dans les habitudes des utilisateurs, et au lieu de proclamer avec audace : « oubliez tout ce que vous savez, c’est totalement nouveau », préférez un modeste : « c’est la bonne vieille solution, que nous avons significativement améliorée. » Pour réussir une innovation, n’affichez pas la nouveauté.
Publié le mercredi 14 novembre 2018 . 3 min. 15
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