Qu’est-ce que le management ? Cette question, qui peut sembler quelque peu aberrante sur les ondes de Xerfi Canal, occasionnerait, si jamais elle vous était posée, de multiples réponses qui pourraient être rassemblées autour de cinq pôles.
Dans la majorité des cas vous répondriez sans doute, et peut-être auriez-vous raison, que le management est un ensemble de techniques luttant contre l’inefficacité. Le travail à la chaîne, qu’appréciaient en leur temps autant Ford que Lénine, est l’exemple symptomatique d’une technique de gestion ayant fait la preuve de sa performance productive. La tentation « techniciste » du management fait partie de son identité première ; c’est d’ailleurs ainsi qu’elle est présentée par et pour ceux qui n’en connaissent que les aspects les plus visibles.
Le mot management revêt également un aspect scientifique. Non pas au sens de Taylor, lequel n’avait pas les moyens scientifiques de justifier ses thèses, mais au sens de celles et ceux qui contribuent à développer ce qu’il est convenu d’appeler les « sciences de gestion ». Simon et son concept de rationalité limitée ou encore la pyramide des besoins de Maslow sont deux exemples notables de cet effort de scientificité. Un effort auquel contribuent les quelques 10 000 enseignants-chercheurs qui, chaque année, se réunissent à l’occasion de l’AMC aux Etats-Unis afin d’échanger sur leurs travaux.
Le troisième sens est directement lié à sa pratique. Le management non plus comme savoir-faire technique ou savoir scientifique mais, de manière très générale, comme « praxéologie », c’est-à-dire comme savoir-être. On retrouve ici la signification première de l’étymologie du mot management, du manège, qui nous amène à l’idée commune de conduite. Il est donc fait ici référence non à un principe d’efficacité, mais à un impératif comportemental, de « tact », de « soin ». Il s’agit alors d’agir avec maîtrise et sens du résultat.
Le quatrième sens est lié à la responsabilité morale du management. On observera alors la conduite des managers dans la manière qu’ils ont de conduire les organisations. Elle rejoint la préoccupation socratique des conditions de possibilités d’un management capable de jugement, au-delà des seuls critères légaux. Le cinquième et dernier sens du mot enfin est politique. Pour les études critiques, dont il a plusieurs fois été question ici même, le management se présente comme un allié objectif des systèmes de pouvoir au sein des organisations qu’il accompagne et qu’il sous-tend. Plus généralement le management, en effet, doit s’interroger sur les formalités du vivre-ensemble.
De cet éclatement il faut tirer un enseignement et une requête. Au fond, tout l’intérêt du management comme objet de recherche scientifique et philosophique, mais aussi comme capacité à exercer un pouvoir, est contenu dans son caractère multiple, dans sa multi-dimensionnalité propre. Il est de bout en bout mélange d’existentiel et de technique, d’impératifs économiques et éthiques, de science et de conscience.
Ainsi les cinq sens du management, technique, scientifique, pratique, éthique et politique ne doivent-ils jamais être parfaitement dissociés ; c’est lorsque l’un prend trop fortement le pas sur les autres qu’il perd alors l’équilibre. Mais c’est en s’appuyant sur chacun des cinq sens dont il dispose, que le management pourra toujours éviter de rompre trop facilement avec ce que les Pythagoriciens appelaient en leur temps, l’harmonie des sphères.
Publié le jeudi 28 janvier 2016 . 4 min. 27
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