Peut-on imaginer que bientôt les entretiens de personnalité à l’embauche soient remplacés par des tests d’électro-encéphalographie intracrânienne ? Pouvez-vous imaginer un supermarché qui, par prélèvement d’informations neuronales à l’instant même où vous y entrez pour faire vos courses, connaisse d’ores et déjà vos intentions d’achat et décide en conséquence de modifier ses offres commerciales voire ses prix ? Verriez-vous une difficulté enfin que toutes vos actions futures, vos intentions de vote comme vos choix de vacances, soient connues de vos interlocuteurs avant même que vous ayez réfléchi au problème, et ce grâce à des systèmes d’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle ? Ce petit monde est celui que nous promet, entre autres applications, le développement de la connaissance de plus en plus perfectionnée de nos mécanismes cellulaires et cérébraux. D’où le développement de notions comme la neuroconsommation, le neurotraining, la neuropolitique ou encore le neuromanagement, expression qu’il va falloir en gestion s’habituer à entendre du plus en plus, tant la compréhension que nous avons des comportements organisationnels sera bientôt fortement impactée par ces nouvelles connaissance accumulée par les neurosciences.
Avec les neurosciences, le savoir scientifique contemporain tient là sans doute l’un de ses sujets les plus novateurs et fascinants ; ses développements permettent d’instruire, mieux que nous n’avons pu le faire dans le passé où ces techniques n’existaient pas, les sous-bassements neuronaux des décisions que nous prenons, comme du poids respectif de la liberté et du déterminisme dans les intentions qui guident nos actions. C’est pourquoi la recherche en management se montre très ouverte à ses apports: elles permettent de mettre en évidence les instincts dans la prise de décision (et minore ainsi, soit dit en passant, le mythe d’un manager strictement rationnel et volontaire) ; elles proposent aussi, grâce à des exercices de neurofeedback, de mieux comprendre les motivations et les ressorts psychologiques profonds des entrepreneurs. Les laboratoires en neuro-imagerie cognitive donnent enfin l’occasion d’enrichir le management à l’aide d’outils d’analyse dont nous ne disposions pas jusque-là pour comprendre les mouvements inconscients que nous mettons en œuvre dans tout processus collaboratif et tout engagement social. Faut-il s’inquiéter de ces développements qui permettent finalement de prédire les réactions d’un individu aussi bien que ses failles, ses penchants et ses goûts? Bref entre neurofanatisme ou neurosceptiscisme, que choisir ?
Pour rassurer un tant soit peu les neurosceptiques, il faut noter que l’éthique des neurosciences elles-mêmes est un domaine qui n’est pas négligé par les neuroscientifiques qui s’interrogent sur la portée de leurs découvertes et les risques qu’elles induisent quant au respect notamment de la conscience individuelle de chacun. Les neuromarketers aussi sont concernés par ces questions ; aux Etats-Unis il existe par exemple un code d’éthique qui stipule des règles de transparence et de respect des personnes dont on peut espérer qu’il soit lui-même respecté.
En revanche, est-on certain de ne pas demander aux neurosciences plus qu’elles ne pourront jamais offrir ? Les imageries ne permettront jamais de voir plus, dans le baiser des amants, qu’un bombardement de particules microphysiques, ainsi que le note dans une image d’une autre nature le phénoménologue Michel Henry. Il y a tout lieu de penser en effet que la réalité affective et profonde des êtres humains échappera toujours à ceux qui résume l’individu à un ensemble de neurones et de gênes pris dans une architecture phylogénétique.
En management comme en sciences cognitives, gardons-nous donc des discours quels qu’il soient qui voudraient réduire la réalité humaine à son seul élément biologique.
Publié le jeudi 16 juin 2016 . 3 min. 44
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