De l'intelligence des données à l'expertise augmentée
Connexion
Accédez à votre espace personnel
Recevez nos dernières vidéos et actualités quotidiennementInscrivez-vous à notre newsletter
ÉCONOMIE
Décryptages éco Intelligence économique Intelligence sectorielle Libre-propos Parole d'auteur Graphiques Notes de lecture
STRATÉGIE & MANAGEMENT
Comprendre Stratégies & Management A propos du management Parole d'auteur
IQSOG
RUBRIQUES
Économie généraleFranceEurope, zone euroÉconomie mondiale Politique économique Emplois, travail, salairesConsommation, ménagesMatières premières Finance Géostratégie, géopolitique ComprendreManagement et RHStratégieMutation digitaleMarketingEntreprisesFinanceJuridiqueRecherche en gestionEnseignement, formation
NEWSLETTERS
QUI SOMMES-NOUS ?

Voir plus tard
Partager
Imprimer

Notre économie a subi, durant les dernières décennies, une mutation profonde. Nous sommes passés d’une économie industrielle axée majoritairement sur l’agriculture et l’industrie à une économie post-industrielle qui se caractérise par différents phénomènes :

1. la prégnance des services dans la production de richesse, ces derniers représentant plus de 80% du produit intérieur brut dans les pays développés ;
2. le développement d’une économie de la connaissance, les savoirs, les savoir-faire et  la créativité, et désormais l’information et les données (avec le phénomène du big data), étant devenus des ressources critiques dans l’obtention d’un avantage concurrentiel ; Il suffit de d’observer combien les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) ont su se tailler la part du lion dans cette ère de l’information.
3. une mondialisation accrue qui favorise les échanges de biens, de services et de talents entre les pays du monde et rend dès lors les économies toujours plus interdépendantes ;


Comme toutes les disciplines, le marketing a également su intégrer ces transformations multiples et en tirer des implications pour la prise de décision. Fondamentalement, cette mutation interroge la manière dont les entreprises font des affaires, dont elles créent de la valeur pour leurs clients et assurent leur différenciation sur les marchés. Au fil de l’histoire du marketing, trois mouvements successifs peuvent être soulignés :
Le premier mouvement a consisté à penser le marketing des services – et pas seulement le marketing des produits tel qu’il se pratiquait jusqu’alors - et à prendre en considération ses principales caractéristiques. A la différence des biens, les services sont principalement :
-  intangibles : ils ne peuvent être vus ou touchés et il est difficile de se les représenter mentalement, ce qui suppose d’essayer de les tangibiliser et matérialiser ;
- hétérogènes et variables en qualité, ce qui conduit les organisations de service à tenter de les « standardiser »  et « homogénéiser », par exemple au travers de la mise en place de blueprints, de technologies et de formations pour les personnels en contact ;
- inséparables, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent être séparés de ceux qui les produisent (les prestataires) et de ceux qui les reçoivent et les coproduisent (les clients) ;
- et enfin, périssables, dans la mesure où les services sont éphémères et simultanément produits et consommés, ce qui impose de chercher à mettre en adéquation l’offre et la demande en temps réel (Yield management dans le transport ou le tourisme par exemple).


La recherche en marketing des services s’est aussi massivement intéressée à la manière dont les services sont perçus et évalués par les clients. Ces travaux font écho aux pratiques de management de la qualité (qualité totale, zéro défaut, etc.), de pilotage de la satisfaction client et de détermination d’une politique de prix et de création de valeur développées dans les organisations de service. Les évaluations des services présentent effectivement une certaine complexité. Les évaluations portent à la fois sur le service central qui est fourni (qualité technique, tel que le train qui arrive en temps et en heure à destination) et sur la manière dont le service est réalisé par les personnels en contact au sein d’un environnement physique donné (qualité fonctionnelle du service, tel que l’accueil en gare). Ces évaluations sont éminemment subjectives (sujets à des biais perceptuels), comparatives (vs autres services) et cumulatives (résultent des multiples interactions avec le service). La qualité, la satisfaction et la valeur sont alors présentées comme des évaluations complémentaires : alors que la qualité perçue désigne “ le jugement du consommateur porté sur l’excellence ou la supériorité globale d’un produit ou d’un service ”, la notion de valeur perçue représente une évaluation plus globale de l’échange entre deux parties. Elle renvoie plus particulièrement à “ une évaluation globale de l’utilité d’un produit (bien ou service) établie sur la base des perceptions concernant ce qui est donné et ce qui est reçu (dont la qualité) ” (Zeithaml, 1988). Les jugements de qualité et de valeur perçue peuvent précéder ou succéder à l’achat du service. Chacun peut, au travers de multiples signaux, juger de la qualité et la valeur d’un service sans l’avoir consommé. En revanche, la satisfaction résulte impérativement  d’une expérience personnelle et directe de consommation, le client comparant alors la performance qu’il attendait initialement avec celle qu’il perçoit finalement au travers de sa consommation.


La principale caractéristique des services soulevée dès 1985 par Eiglier et Langeard, professeurs à l’IAE d’Aix-en-provence,  dans leur modèle de servuction est que les clients participent activement à la production du service et qu’ils concourent ainsi, à l’instar des personnels en contact et du support physique, à la réalisation effective de ce service. Par exemple, un service bancaire ne peut être mis en œuvre sans l’intervention du client à un moment donné, en particulier lors de la rencontre de service.  Ce phénomène est aujourd’hui accentué par l’e-banking qui suppose que le client consulte son compte, réalise des virements, s’informe sur les taux et la législation, etc. De la même manière, une entreprise comme IKEA compte sur ses clients pour acheter, récupérer, transporter et recomposer les meubles découverts dans leurs linéaires. De très nombreux services transforment ainsi le client en coproducteur ou en employé partiel de l’organisation, pratique dénoncée comme une nouvelle forme d’exploitation par de nombreux auteurs en marketing. Dans des articles récents, Audrey Bonnemaizon, Sandrine Cadenat, Florence Benoit-Moreau, Valerie Renaudin ont synthétisé les multiples formes de la participation du client selon le type de ressources mobilisées (ordinaires ou extraordinaires) et les motivations sous-jacentes (intrinsèques ou extrinsèques). La participation peut en effet prendre une forme ordinaire et répondre à des motivations extrinsèques, comme par exemple scanner ses produits en caisse ou acheter des produits en ligne, ou à l’opposé renvoyer à une participation experte où le client se transformera en co-promoteur, en co-innovateur ou en collaborateur, sur les forums d’entraide par exemple. Le client accomplit ainsi des tâches qui dépassent le rôle qui lui était initialement attribué et s’engage dans des actions extraordinaires pour le simple plaisir de les réaliser et d’en retirer éventuellement une fierté. Les managers et les chercheurs se représentent alors le client pas seulement comme un coproducteur de service mais comme un co-créateur de valeur.


Fort de ces constats et de l’observation du poids grandissant de services dans les économies occidentales, y compris dans les entreprises industrielles, un deuxième mouvement s’est produit durant les années 2000 et a conduit à accentuer l’intérêt porté aux expériences de service. Vargo et Lusch ont en particulier synthétisé, théorisé et diffusé avec un très grand succès l’idée d’une logique de service dominante marquée par trois mutations majeures: d’abord, le succès des firmes repose sur la maîtrise et le développement de ressources intangibles, dont au premier rang la connaissance, alors qu’il était surtout question de ressources tangibles dans l’ère industrielle ; ensuite, la valeur n’est pas prédéterminée par l’entreprise ; elle est co-créée avec les clients. L’entreprise ne peut faire que des propositions de valeur, mais c’est le client qui, au travers de ses actions et de ses efforts, est capable d’en extraire « la substantifique moelle ». Enfin, l’intégration de services dans l’offre des entreprises conduit à penser en termes de relation et pas seulement de transactions. Par exemple, un constructeur automobile qui commercialise, outre ses véhicules, des crédits auto, des services de révision et de maintenance et réalise du commerce sur les pièces détachées et les véhicules d’occasion, ne peut plus être « myope » et se consacrer à des ventes « one shot ». La satisfaction, la relation client, l’engagement client, l’expérience client deviennent incontournables pour la performance à long terme. L’approche SDL – Service Dominant Logic – et ses auteurs sont parfois critiqués pour leur caractère intégrateur et « opportuniste ». Cependant, on peut saluer ici à la fois leur talent à diffuser les résultats de recherche auprès des managers du monde entier et leur capacité à s’extraire du champ exclusif des services pour redonner une vision générale au marketing, les biens étant alors vus comme de simples supports de service. Par exemple, un smartphone ou un ordinateur ne valent que parce qu’ils apportent des services. D’une certaine manière, l’approche SDL consacre le passage de la perspective du producteur, « service production », à la perspective de l’expérience client. D’une certaine manière, peu importe la manière dont le service est produit, l’important est l’expérience totale vécue par le client en interaction avec l’entreprise.


La troisième mutation - qui est toujours en cours - renvoie à la transformation numérique des organisations et des marchés. Elle vient prolonger et renforcer les deux mutations précédentes : d’une part, avec le développement des technologies en self-service (sites web, applications mobiles, plateformes, objets connectés), les clients sont amenés à participer et à s’engager davantage dans des activités co-créatrices de valeur (coproduction, co-innovation, co-promotion, collaboration, etc.) ; d’autre part, l’expérience client ou l’expérience utilisateur n’ont jamais été aussi critiques dans la performance des entreprises. L’enjeu consiste notamment à mieux piloter cette « tranche de vie » qui lie l’entreprise et ses clients et à faire en sorte que le parcours client, le « customer journey », soit le plus fluide possible. Les entreprises ont en effet multiplié les canaux de contact, de communication et de distribution, aussi bien offline qu’online (physiques et digitaux), ce qui peut occasionner de multiples difficultés internes et externes à l’organisation. Par exemple, les niveaux de service et de prix peuvent varier selon les canaux, ce qui rend l’expérience frustrante et peu cohérente. L’ambition est donc de constituer un parcours sans couture (seamless), afin que les clients puissent non seulement accéder au meilleur service mais ceci, en réalisant le moins d’effort possible. Beaucoup d’entreprises utilisent par exemple, parfois sans trop de discernement, le customer effort score, un indicateur mesurant l’effort réalisé par le client pour accéder au service. Le pilotage des parcours clients participe totalement de la logique de service, l’objectif étant d’apporter plus de commodité, de praticité et de fluidité aux clients. A cette logique de service s’ajoute aujourd’hui une logique communautaire. Les organisations doivent en effet tirer parti des réseaux socio-numériques (réseaux sociaux, blogs, etc.) qui constituent à la fois de puissants outils de communication, des outils de veille et de collecte d’information (analyse des sentiments) et des instruments d’engagement des clients au sein de communautés d’utilisateurs et de passionnés. Au traditionnel marketing B2B ou B2C s’ajoutent un marketing C2C, client à client, peer-to-peer, qui impose à l’entreprise une compréhension et un management de ses réseaux. Il faut savoir gérer sa e-réputation, influencer les prescripteurs, favoriser l’engagement des clients, etc. Le marketeur s’apparente donc de plus en plus à un animateur de communautés. Mais pour ce faire, il faut savoir redonner du sens à l’entreprise, à ses produits, à ses salariés. Pour espérer de l’engagement, il faut pouvoir cultiver sa différence, véhiculer des valeurs et signifier aux clients que l’on n’est pas seulement un industriel ou un prestataire de service. Le club Med par exemple l’a bien compris et ne propose rien de moins que le bonheur à ses clients !!!


La logique communautaire se développe à grande vitesse pour plusieurs raisons : d’abord, la transformation numérique et le développement des plateformes digitales et mobiles conduisent les organisations à écouter et à se rapprocher de leurs clients ; ensuite, à la perspective de la captation de marchés s’ajoute des ambitions de captation de communautés. Nike par exemple, au travers de sa plateforme Niketalk, tente de pérenniser ses liens avec des générations de sportifs, ce qui les rend potentiellement moins attaquables par leurs concurrents ; enfin, dans notre société hypermoderne, « le lien importe bien plus que le bien » et chacun peut ressentir le besoin de redonner un sens à sa vie, y compris au travers de son identité de consommateur et de client. Les entreprises l’ont bien compris et tentent d’alimenter et d’exploiter ces nouvelles formes d’engagement des individus.


Publié le jeudi 6 avril 2017 . 12 min. 03

x
Cette émission a été ajoutée à votre vidéothèque.
ACCÉDER À MA VIDÉOTHÈQUE
x

CONNEXION

Pour poursuivre votre navigation, nous vous invitons à vous connecter à votre compte Xerfi Canal :
Déjà utilisateur
Adresse e-mail :
Mot de passe :
Rester connecté Mot de passe oublié?
Le couple adresse-mail / mot de passe n'est pas valide  
  CRÉER UN COMPTE
x
Saisissez votre adresse-mail, nous vous enverrons un lien pour définir un nouveau mot de passe.
Adresse e-mail :