L’histoire de Blockbuster est souvent utilisée pour illustrer un phénomène appelé « disruption ». Blockbuster a été fondée en 1985. Cette entreprise a connu un succès considérable grâce à son réseau de vidéoclubs. A partir du milieu des années 1990, les DVD remplacent progressivement les cassettes VHS. Il devient alors beaucoup plus facile d’envoyer des films par la poste. Netflix s’engouffre dans la brèche et taille des croupières à Blockbuster avec son offre « choix de films sur un site Internet et livraison par la poste ». Quelques années plus tard, Blockbuster rate le virage du streaming et se fait « disrupter » par Netflix. On se moque d’autant plus facilement de ses dirigeants que le fondateur de Netflix leur avait proposé d’investir dans son entreprise au début des années 2000 …
Mais la réalité est un peu plus complexe. Les dirigeants de Blockbuster ont rapidement compris que Netflix représentait une menace mortelle pour leur entreprise. Dès 2004, John Antiaco, le PDG de Blockbuster, prend deux décisions cruciales. Il commence par supprimer les pénalités de retard (très rentables mais peu appréciées par les clients …). Puis, il investit massivement dans une stratégie « hybride » (qui permet aux clients de se faire envoyer des DVD par la poste et de les rapporter dans un vidéoclub). Cette stratégie connait rapidement le succès.
Mais Blockbuster est contrôlé par un fonds de pension. Ses représentants au Conseil d’Administration détestent la stratégie d’Antiaco. Elle a demandé des investissements considérables et la suppression des pénalités de retard coûte très cher à Blockbuster (200 millions de $ par an). John Antiaco est licencié en 2007. Il est remplacé par un nouveau PDG, John Keyes. Sans surprise, Keyes revient sur la stratégie de son prédécesseur. S’il ne prend pas le risque de réintroduire les pénalités de retard, il augmente fortement les tarifs et recentre Blockbuster sur les vidéoclubs. Trois ans plus tard, l’entreprise dépose le bilan …
Que peut-on retenir de cette histoire ? Malheureusement, Blockbuster n’est pas un cas isolé. Lorsqu’une entreprise se fait « disrupter », on a tendance à jeter la pierre aux dirigeants. Mais les véritables coupables sont peut-être les actionnaires. S’ils sont obnubilés par la rentabilité à court terme et réfractaires aux investissements, il est peu probable qu’une entreprise soit capable d’éviter la disruption.
Source : Antioco, J. (2011). Blockbuster’s former CEO on sparring with an activist shareholder. Harvard Business Review, 89, 39-44.
Publié le mercredi 03 novembre 2021 . 2 min. 36
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