Une entreprise ne peut pas tout faire. La stratégie est donc avant tout le reflet des réponses qu’elle apporte à trois questions :
· le Qui : A quels clients nous adressons-nous ?
· le Quoi ? Quels produits ou services leur proposons-nous ?
· le Comment ? De quelle manière nous organisons-nous pour proposer ces produits ou services à nos clients ?
Si une entreprise n’est pas capable de répondre à ces trois questions, elle n’a pas de stratégie. Si elle y parvient, elle en possède une. Si elle apporte les bonnes réponses, elle a une stratégie qui la mènera au succès … mais elle ne le saura qu’a posteriori !
Nespresso connaît actuellement un succès considérable. On oublie souvent qu’il a d’abord frôlé l’échec. Au milieu des années 1980, il s’adressait aux entreprises et aux restaurants. Nestlé avait également créé une coentreprise avec un partenaire suisse pour produire et commercialiser les machines à café et les capsules. En 1988, la situation était au point mort et la direction de Nestlé songeait sérieusement à mettre un terme au projet. C’est à ce moment que Jean-Paul Gaillard entra en scène. Il apporta de nouveaux éléments de réponse aux trois questions de la stratégie :
· le Qui ? Plutôt que de cibler les entreprises et les restaurants, il s’est attaqué au marché des particuliers « aisés » ;
· le Quoi ? Il a repositionné Nespresso sur les capsules de café, plus rentables et plus proches du « coeur de métier » de Nestlé que les machines à café ;
· le Comment ? Plutôt que de passer par la grande distribution, il a commercialisé les capsules par l’intermédiaire d’un « Club » dont les acheteurs de machines à café devenaient automatiquement membres.
Aujourd’hui, la stratégie de Jean-Paul Gaillard fait l’unanimité. Mais cela n’a pas toujours été le cas. Pour l’imposer, il s’est fié à son instinct… quitte à prendre quelques libertés avec la vérité. Comme il l’a raconté : « Ma proposition de cibler les particuliers plutôt que les entreprises a eu du mal à passer auprès de la direction de Nestlé. Même si je n’en étais pas sûr à 100 %, j’avais l’intuition que c’était ce qu’il fallait faire. Pour convaincre mon chef, je lui ai proposé d’effectuer un test. Nous avons mis des machines en vente dans cinq magasins en Suisse. Mon objectif était de montrer que nous pouvions en écouler cent en une semaine. Nous n’en avons vendu que cinquante-huit … mais je ne l’ai pas dit à mon chef ! »
La stratégie est donc un ensemble de choix. De manière assez surprenante, la plupart des dirigeants refusent de les effectuer. Lorsqu’on les interroge sur leur stratégie, ils mettent en avant des objectifs (comme « devenir le leader de notre secteur ») ou ils se contentent de formaliser ce que l’entreprise fait depuis des années.
Comment expliquer ce phénomène ? Pour connaître le succès, une entreprise doit faire des choix qui la distinguent de ses concurrents. Le problème est qu’ils comportent toujours des risques. Une entreprise qui refuse de faire des choix a peu de chances de connaître un succès éclatant… mais elle minimise aussi la probabilité d’essuyer un échec cuisant. Les entreprises les plus performantes ont donc un point commun avec celles qui connaissent une faillite retentissante : elles ont une stratégie ! Dans le premier cas, les choix qu’elles ont faits se sont révélés être les bons. Dans le second cas, ils ont été beaucoup moins judicieux. A l’inverse, les entreprises qui parviennent tout juste à survivre ont rarement une stratégie …
En bref, avoir une stratégie accroît donc les chances de connaître le succès, mais aussi l’échec. Ne pas avoir de stratégie est le moyen le plus sûr d’aboutir à un résultat médiocre … mais aussi d’éviter les catastrophes. Implicitement, c’est le « choix » que font de nombreux dirigeants.
Publié le mardi 23 janvier 2024 . 4 min. 14
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