Dans les affaires et dans la vie, quand nous avons une décision difficile à prendre, nous demandons souvent un conseil. Mais qu’en faisons-nous ? C’est la question que traite depuis une trentaine d’années une vaste littérature scientifique sur le « advice taking ».
La méthode d’étude la plus fréquente pour les chercheurs qui étudient le « advice taking », c’est de demander à des sujets de formuler un jugement, puis de leur donner un conseil, et enfin de leur demander de réviser, s’ils le souhaitent, leur jugement initial. Il en ressort une conclusion assez constante : quand nous recevons un conseil, nous en tenons compte – mais pas beaucoup. En simplifiant beaucoup, quand vous entendez un avis différent du vôtre, vous allez réviser votre opinion en faisant une partie du chemin dans la direction de cet avis, mais une partie seulement – environ un tiers. Ce sera plus, bien sûr, si votre conseiller a une réputation de grande expertise, et si de votre côté vous ne connaissez rien au sujet. Mais schématiquement et en moyenne, quand on vous conseille quelque chose de différent de ce que vous pensiez initialement, vous allez avoir tendance à ne changer d’avis qu’assez modérément.
Bien sûr, ce n’est pas idiot. Demander conseil ne veut pas dire déléguer la décision. Et faire une partie du chemin vers l’avis du conseiller, tout en restant proche de son opinion initiale, peut sembler, à première vue, parfaitement sensé.
Pourtant, c’est une occasion manquée. Dans la plupart des cas, quand vous cherchez à faire une estimation quantifiable, la meilleure stratégie serait de prendre la moyenne des deux opinions – la vôtre et celle de votre conseiller. Donc, de faire la moitié du chemin, et pas seulement le tiers.
L’idée de prendre systématiquement la moyenne peut surprendre. Elle heurte même l’intuition : beaucoup de gens souscrivent à l’idée que le compromis conduit à la médiocrité, et qu’entre deux avis, il faut avoir le courage de faire un choix. Pourtant, il n’est pas difficile de voir pourquoi prendre la moyenne est une meilleure stratégie.
Imaginez par exemple que vous essayez de faire une prévision de vente. Vous disposez de deux estimations : la vôtre, en rouge ; et celle de votre conseiller, en bleu. Quand les ventes réelles seront connues – le losange blanc – on saura lequel de vous deux était le plus proche de la réalité (dans ce cas de figure, c’est vous). Mais pour l’instant, vous n’en savez rien. Vous pouvez suivre l’un des deux avis : votre erreur sera alors soit la vôtre, soit celle du conseiller, et statistiquement, ce sera la moyenne des deux. L’autre stratégie possible, c’est de calculer la moyenne de vos deux estimations (ici en vert). Dans ce cas, l’erreur sera la moyenne de vos deux erreurs. L’erreur de la moyenne sera exactement la moyenne des erreurs. Vous ne gagnez rien à prendre la moyenne, mais vous ne perdez rien non plus.
Seulement, il y a un deuxième cas de figure : celui où le conseiller et vous vous trompez dans des directions opposées. Sur cet exemple, vous sous-estimez la vraie valeur de 3 unités ; tandis que votre conseiller la surestime de 7. En valeur absolue, la moyenne de vos deux erreurs est donc de 5. C’est l’erreur que vous ferez si vous choisissez l’une des deux estimations. Mais si vous prenez la moyenne de vos deux estimations (en vert), vous ne vous tromperez que de 2 unités. L’erreur de la moyenne, dans ce cas, est inférieure à la moyenne des erreurs.
On a donc toujours intérêt, pour réduire la taille absolue de l’erreur, à prendre la moyenne des deux estimations, plutôt qu’à choisir l’une des deux : si l’on se retrouve dans le premier cas, ça ne sera pas pire, et si l’on est dans le second cas, ce sera mieux.
Il y a bien sûr une limite à ce raisonnement, ou plutôt une exception : c’est la situation où vous savez a priori que l’un des deux avis va toujours être plus près de la vérité que l’autre. Par exemple, quand vous demandez un avis à quelqu’un de bien moins compétent que vous, il n’y a pas de raison de faire la moyenne de son opinion et de la vôtre : vous pouvez vous en tenir à ce que vous pensez. Mais dans ces conditions, on peut aussi dire que ce que vous demandez à cette personne n’est pas réellement un conseil.
En d’autres termes, dans toutes les situations où vous disposez de deux avis raisonnablement compétents, et chaque fois qu’il est possible d’en faire la moyenne, c’est ce que vous devriez faire. Au lieu de donner plus de poids à votre propre opinion qu’à celle d’un conseiller, vous devriez lui en donner exactement autant.
Mais ce n’est qu’un conseil. A vous de voir si vous voulez le suivre !
Publié le jeudi 23 mars 2023 . 4 min. 14
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