De l'intelligence des données à l'expertise augmentée
Connexion
Accédez à votre espace personnel
Recevez nos dernières vidéos et actualités quotidiennementInscrivez-vous à notre newsletter
ÉCONOMIE
Décryptages éco Intelligence économique Intelligence sectorielle Libre-propos Parole d'auteur Graphiques Notes de lecture
STRATÉGIE & MANAGEMENT
Comprendre Stratégies & Management A propos du management Parole d'auteur
RESEARCH
RUBRIQUES
Économie généraleFranceEurope, zone euroÉconomie mondiale Politique économique Emplois, travail, salairesConsommation, ménagesMatières premières Finance Géostratégie, géopolitique ComprendreManagement et RHStratégieMutation digitaleMarketingEntreprisesFinanceJuridiqueRecherche en gestionEnseignement, formation
NEWSLETTERS
QUI SOMMES-NOUS ?

Voir plus tard
Partager
Imprimer

Depuis quelques années, beaucoup de grandes entreprises (principalement américaines) prennent des positions sur des questions de société. Il peut s’agir du mouvement Black Lives Matter, des causes LGBTQ, de la remise en cause du droit à l’avortement, ou des lois rendant plus difficile l’inscription sur les listes électorales… Dans tous ces cas, les dirigeants d’entreprises s’engagent et le font savoir : à l’extérieur en signant des pétitions ; à l’intérieur en mettant en place des politiques internes qui manifestent leur attachement à la diversité, à l’équité et à l’inclusion (DEI), avec un budget total estimé à plus de 9 milliards de dollars en 2022. Un éditorialiste du New York Times, Ross Douthat, a baptisé cette tendance le « capitalisme woke ».

Dans un article récent, deux chercheurs en management, Nicolai Foss et Peter Klein, s’interrogent sur les origines de ce mouvement. Car, comme ils le soulignent, ce qui motive les entreprises woke n’est pas complètement évident.

Le mobile auquel on pense le plus naturellement, bien sûr, c’est l’intérêt économique. Pour des entreprises dont les marques visent un public jeune, ou simplement pour attirer des jeunes employés qui considèrent la justice sociale comme une priorité, signaler son adhésion à des causes progressistes serait un bon calcul.

Mais ce calcul, si c’en est un, semble hasardeux. D’abord, les consommateurs engagés qu’on courtise seront les premiers à dénoncer vos contradictions ou vos insuffisances. Nike ou Adidas en ont fait les frais, quand ils dénonçaient le racisme institutionnel aux Etats-Unis, alors que leurs instances de direction ne brillaient pas par leur diversité. A vouloir être woke, on se retrouve vite accusé d’hypocrisie, ou de woke-washing, à l’image du greenwashing sur les sujets d’environnement.

Autre problème : l’adhésion du public aux causes progressistes est loin d’être unanime. La majorité des Américains pensent que leur pays va trop loin dans le « politiquement correct » et la « cancel culture ». Certains commentateurs conservateurs américains s’étranglent de rage devant le « capitalisme woke » et appellent à boycotter les corporations qui y participent. Donc, sauf à opérer sur un marché de niche qui vise précisément les consommateurs les plus engagés, le gain net n’est pas évident. Quand on prend position sur des causes qui divisent, il y autant à perdre qu’à gagner.

Si ce n’est pas le calcul, est-ce la sincérité ? Serait-ce l’engagement personnel des dirigeants qui motiverait les prises de position de ces entreprises ? Là encore, on peut en douter. Même si c’est certainement le cas pour certaines sociétés, la composition démographique et sociologique des conseils d’administration et des comités de direction rend peu probable que leurs membres soient nettement plus épris de justice sociale que la moyenne de la population.

L’explication la plus plausible, concluent Foss et Klein, c’est que le ralliement de ces entreprises à des causes progressistes soit un exemple de ce qu’on appelle une stratégie émergente. Une stratégie émergente, telle que la définissait notamment Mintzberg, c’est une stratégie qui n’est pas décidée au sommet, puis mise en œuvre par l’organisation, mais au contraire façonnée pour l’essentiel par des initiatives venues de la base. Les dirigeants se contentent d’abord de laisser prospérer ces initiatives en les approuvant tacitement, puis les valident a posteriori, sans en avoir pourtant jamais été les initiateurs.

Dans le cas des stratégies woke, d’où émerge la stratégie ? Principalement, soutiennent les auteurs, des départements RH, notamment de leurs services chargés de la diversité et de l’inclusion ; et des départements de communication corporate, qui prennent la parole sur les réseaux sociaux.  Non seulement les middle managers qui occupent ces fonctions ont des chances d’être de vrais convaincus, mais surtout ils ont tout intérêt, pour étendre leur sphère d’influence, à multiplier les initiatives et à imposer leurs thématiques et leur vocabulaire. Plus une entreprise est woke, plus les personnes chargées de la wokeness y sont importantes.

Quel est, alors, le rôle des dirigeants ? Pourquoi délèguent-ils le sujet aux spécialistes internes ? D’abord, parce que la matière est compliquée : il est bien difficile de savoir ce qu’on attend qu’ils fassent (et ce qu’on attend qu’ils ne fassent pas ou plus) pour se conformer à des exigences en constante évolution. En ne s’impliquant pas personnellement, ils évitent le risque, toujours réel, de commettre un impair. En somme, pour les dirigeants, déléguer est un calcul politique rationnel.

Cette analyse ne nous dit pas si devenir woke est une bonne stratégie. Une stratégie émergente, comme une stratégie délibérée, peut être gagnante – ou perdante. Ce qui est important ici, c’est que des choix importants ne soient pas décidés dans le secret du comité exécutif, mais façonnés par le management intermédiaire.  Si vous faites partie de ceux qui pensent que la stratégie de leur entreprise est améliorable et qui entendent influer dessus dans un sens ou dans un autre, sans doute y verrez-vous une bonne nouvelle.


Publié le mercredi 24 mai 2023 . 5 min. 37

Téléchargez l'application


Les dernières vidéos
Management et RH

Les dernières vidéos
d'Olivier Sibony

x
Cette émission a été ajoutée à votre vidéothèque.
ACCÉDER À MA VIDÉOTHÈQUE
x

CONNEXION

Pour poursuivre votre navigation, nous vous invitons à vous connecter à votre compte Xerfi Canal :
Déjà utilisateur
Adresse e-mail :
Mot de passe :
Rester connecté Mot de passe oublié?
Le couple adresse-mail / mot de passe n'est pas valide  
  CRÉER UN COMPTE
x
Saisissez votre adresse-mail, nous vous enverrons un lien pour définir un nouveau mot de passe.
Adresse e-mail :